Hello 👋
Le SaaS, et de manière plus générale l’abonnement, est un business model qui a la cote ! La récurrence des revenus offre notamment une visibilité qui plait aux entrepreneurs et aux investisseurs.
Mais attention ! Ce business model repose sur des spécificités uniques qui nécessitent une gestion financière minutieuse. De nombreux indicateurs sont à connaître, comprendre, et suivre régulièrement.
Pour en parler, j’ai eu l’occasion d’échanger avec Martin, co-fondateur de Fincome, fintech spécialisée dans les reportings pour SaaS. 📊
Au programme de notre interview :
Les débuts de Fincome 🚀
Les metrics SaaS à connaître absolument 💶
La chute des valos dans la Tech 📉
⏱️ Temps de lecture : 5 minutes
Hello Martin, peux-tu commencer par nous parler de Fincome ?
Oui bien sûr ! Nous sommes 3 co-fondateurs : 2 co-CEO, Vincent et moi, et Lucas, qui gère le développement du produit.
La genèse du projet, c'est que Vincent et moi travaillions en Private Equity. Le constat qu'on a fait, c'est que lorsqu’on achète une boîte, on demande un reporting assez étoffé. On veut savoir ce qui se passe dans la boîte à intervalles réguliers, généralement mensuellement. Et ça, c'était un sujet de douleur assez important car le CFO mettait 6 mois à nous sortir des chiffres. Au final, personne n'était content. Le CFO parce qu'il passait du temps non productif dans Excel, alors qu'il avait mieux à faire. Et nous, parce que la qualité des données était pauvre. Du coup, on avait du mal à comprendre ce qui se passait dans les boîtes.
Ce qu'on s'est dit, c'est qu'il existe des verticales business où il y a des boîtes qui sont très digitalisées dès le départ, qui utilisent toutes des outils externes, qui sont quasiment tous les mêmes, et la data dans ces outils est accessible via des API. C’est notamment le cas des SaaS. On peut donc automatiser le calcul de tous les KPI dont ils ont besoin pour comprendre ce qui se passe dans leur boîte, pour prendre des décisions, pour partager leurs performances avec des tiers, pour se comparer avec le marché et pour lever des fonds.
Donc Fincome, c'est une plateforme de pilotage pour les entreprises SaaS qui leur permet d'avoir un accès en temps réel et à 360 degrés à leur performance financière. On est vraiment axé sur la finance. On s'adresse aux CEO et aux CFO, et on a lancé il y a un peu plus de 18 mois.
Vous en êtes où à l'heure actuelle ?
On a une base solide de clients. Aujourd'hui, on est 7. On a levé des fonds, 1 million d'euros, lors d'un tour de table en juillet auprès d'Accel Partners et de Business Angels comme Rodolphe Ardant de Spendesk, Romain Libeau de Swile, ou Adrien Plat d’Indy.
On a deux grands enjeux :
Accélérer l'acquisition d'utilisateurs. Ce qu'on voit, c'est que dès qu'ils ont le produit entre les mains, on les convertit avec un taux très élevé.
On souhaite continuer à avancer sur une roadmap Produit très ambitieuse. Aujourd’hui, on calcule énormément de choses en termes de KPI. Demain, on souhaite que nos utilisateurs puissent utiliser ces KPI pour faire du business planning avec une vraie brique de projection financière et une mise à jour automatisée du réel vs. projeté tous les mois.
Le churn, c'est ce qui tue ta boîte. Si tu as du churn, tu ne vas pas bénéficier de tous les avantages et de toutes les vertus du modèle économique récurrent.
Donc jusque-là, c'est purement du reporting que vous faites ?
On fait beaucoup plus. On permet de faire des benchmarks qui permettent de se positionner en un coup d’œil par rapport à des SaaS similaires. On permet aussi de faire des analyses poussées. Tu peux segmenter ta base client ou ta base produit selon n'importe quel axe qui t'intéresse, pour calculer des indicateurs précis (churn par produit, croissance du MRR aux UK, taux de rétention de tes clients PME, etc.). Tout ça, tu peux le faire directement dans l'outil car on a un module de business intelligence simple et puissant.
La plateforme est également collaborative. Tu peux inviter les membres de ton équipe et tes investisseurs, tout en paramétrant les droits d’accès pour préserver la confidentialité de tes données.
Donc c'est du reporting assez avancé et collaboratif. Le gros enjeu du trimestre pour nous c’est d’avancer sur la brique de business planning.
Vous êtes uniquement sur du SaaS ?
On traite tout ce qui est business model fonctionnant par abonnement. Donc, aujourd'hui, dans notre base client, on a quasiment que des SaaS. Mais on a aussi des entreprises qui font autre chose. Par exemple, on a une entreprise qui propose de la location de vélos électriques. C'est exactement le même modèle qu'un SaaS, c'est de l'abonnement, donc ils utilisent les mêmes outils.
Ensuite, on envisage de nous élargir vers d'autres modèles de revenus récurrents, et pourquoi pas, à terme, vers d'autres modèles de business tout court.
Pourquoi avoir commencé par l’abonnement ?
Il y a 3 principales raisons :
La première, c'est que c'est un business model qui s'analyse très bien. La récurrence a tout un tas de KPI qui sont très normés, dans le sens où tout le monde suit les mêmes choses. Il y a toute une littérature autour du SaaS qui s'est développée parce que le business model devient vraiment prévalent.
Deuxième raison, c'est que ce sont des entreprises qui sont tout de suite digitalisées. Elles ne sont pas réticentes à s'équiper d'outils pour commencer à faire du business. Par exemple, la première chose que tu fais, c'est de prendre Stripe et commencer à facturer.
La troisième raison, c'est la croissance du secteur. C'est un secteur en pleine expansion, avec de plus en plus d'entreprises qui basculent vers le modèle d'abonnement. On sait que cela va impacter un pan de plus en plus important de l'économie, et donc actuellement c'est une verticale très attractive.
Quels sont les principaux metrics à suivre pour un SaaS selon toi ?
Le plus important, c’est le MRR. C'est ce qui te permet de développer ton entreprise. Le MRR et sa croissance, c'est vraiment le chiffre que tu surveilles, que tu regardes, que tu dois comprendre. Tu dois comprendre comment il est constitué, pourquoi il évolue. Ce n’est pas si facile à calculer.
Le deuxième, c'est ton churn. Le churn, c'est ce qui tue ta boîte. Si tu as du churn, tu ne vas pas bénéficier de tous les avantages et de toutes les vertus du modèle économique récurrent. Ça veut dire que tu dois faire un effort d'autant plus important pour remplacer les clients perdus, et du coup tu vas brûler du cash pour faire de l’acquisition. Tu rentres donc dans une spirale qui n'est pas vertueuse.
Ensuite, le coût d'acquisition client (CAC). C’est super important de comprendre pour chaque euro que tu dépenses combien d'euros ça te rapporte. Est-ce que tu es sur un modèle économique qui peut être rentable aujourd'hui ou demain ? Et pour ça, tu dois comprendre combien te coûte ta croissance. Et donc 2 KPI en découlent :
LTV (Lifetime Value) / CAC : combien de fois je vais récupérer ma mise sur un client donné.
CAC PayBack : en combien de mois de MRR je rembourse mon CAC.
L’upsell est également très sous-estimé pour faire de la croissance, non ?
Tu as tout à fait raison. C’est la grande bataille du SaaS en Europe cette année. Comprendre comment mettre en place des leviers d’upsell.
Aux US, un bon taux de rétention net, c'est 120%. Ils arrivent à faire croitre leur base de MRR existante parce qu'ils ont mis en place des structures de pricing qui sont en croissance embarquée avec les clients, car ils arrivent à vendre des produits complémentaires, etc.
En Europe, on est complètement en retard. On n’a pas encore du tout adopté ce qu'on appelle le "Value Metrics Pricing". En gros, tu fixes le prix en fonction d'un metric, par exemple le nombre de salariés de ton client, qui est naturellement en croissance. Si moi je vends à des startups et que je vends selon le nombre de salariés, le MRR va doubler de taille tous les ans et je n'ai rien à faire.
Super intéressant ! Vous réfléchissez à vous ouvrir à d’autres business models ?
Avant l'été, on avait fait une Customer Discovery avec 300 appels : 95% avec des SaaS et 5% avec de l'E-commerce et des marketplaces.
Ce qu'on voit, c'est que ce sont des business assez complexes en termes de data. On va donc se concentrer sur les SaaS pour le moment, aller à l'étranger, et l'idée c'est que si ça se passe bien et qu'on pense qu'on a passé le marché, ou alors qu'on voit qu'il y a une demande entrante forte, on ira effectivement vers d'autres business models.
Pour terminer, j’aimerais avoir ton avis sur un sacré sujet : les valos dans la Tech. On voit de plus en plus de valos en baisse sur des 2èmes tours de table. C'est quoi ta vision de tout ça ?
C'est un retour à la normale ! Ça va quand même assainir le marché et, au final, c'est assez positif pour les fondateurs aussi. S'enfermer dans une valo énorme, ça réduit la liberté que tu as en tant que fondateur car quand tu as levé à une valo élevée, c'est dur d'aller chercher quelqu'un qui est prêt à payer une valo encore plus élevée. Ça incite à cramer du cash un peu n'importe comment pour faire de la croissance à tout prix. Et du coup, ça fait que tu peux t'embarquer vers des voies qui font que ton business model n’est pas viable et que tu ne survis que parce que tu as de l'injection de cash à intervalles réguliers.
Donc moi, je vois ça comme étant un retour à la normale assez bénéfique. Évidemment, c'est douloureux pour toutes les boîtes. Tu as des boîtes qui ont levé en Seed et qui ne vont pas réussir à lever la Série A qu'elles veulent, ou qui ont levé en Série A et qui ne vont pas réussir à lever leur Série B. Là, tu vas avoir deux impacts majeurs :
Les BSPCE ne valent plus rien si tu lèves à une valo inférieure au tour d’avant où ils ont été mis en place, et donc ton équipe s’en va.
Pour les fondateurs, en fonction de comment est structuré ton investissement, tu peux être sur des outcomes qui ne sont vraiment pas terribles parce que généralement, le cas où tu lèves à une valo inférieure est prévue quand tu fais un tour (les clauses de ratchet). Quand tu lèves de l'argent, tu as une clause qui dit “si tu lèves à une valo inférieure, c'est toi qui seras dilué en premier en tant que fondateur”.
Tu vas donc probablement avoir des belles boîtes qui vont souffrir de ça alors qu'elles sont probablement viables. C'est juste qu'elles ont levées à des valos trop élevées et qu'aujourd'hui, elles ne peuvent plus arriver à ce niveau-là.
Un grand merci Martin ! La semaine prochaine, on parle de gestion financière pour les entreprises du Web 3 avec Christophe Lassuyt, CEO de Request. 🎙️