🎙️🪄 Symphonie Financière, grâce à l'Orchestration Bancaire
Avec Edouard Mandon, co-fondateur & CEO de Numeral.
Salut tout le monde 👋
Les FinTechs ont recours à un certain nombre de technologies pour proposer des services à leurs clients. D’après une étude de France FinTech, dans le top 3, on retrouve :
Les API
L’IA
Le Big Data
Ces technologies sont une véritable révolution dans le fonctionnement des services financiers, et permettent au secteur d’être toujours plus innovant.
Ça tombe bien, aujourd’hui, on parle d’API ! La FinTech du jour, c’est Numeral, spécialisée dans l’orchestration bancaire. Si le mot vous fait peur, pas de panique ! Edouard Mandon, le co-fondateur & CEO, nous explique tout.
Au programme de notre échange :
Numeral & ses enjeux 🚀
L’orchestration bancaire ⚙️
Paiement & réglementation 🇪🇺
Comment lancer une FinTech ? 💡
⏱️ Temps de lecture : 7 minutes
Hello Édouard ! Pour commencer, pourrais-tu te présenter ?
Salut Thomas, je suis le co-fondateur et CEO de Numeral. Avant ça, j'étais VP Product chez iBanFirst, une solution de paiements internationaux pour les entreprises. J’ai également fait partie de l’équipe qui a lancé le groupe de e-commerce Jumia en Afrique, notamment au Maroc et en Égypte.
Il y a eu beaucoup d'innovations tournées vers les particuliers, donc du BtoC. Beaucoup autour du paiement en ligne, du paiement mobile, du paiement peer-to-peer, des wallets, etc. Ça a créé de nouveaux usages, de nouvelles attentes, qui maintenant se reflètent dans le monde de l'entreprise.
Comment en es-tu venu à lancer Numeral ?
Numeral, c'est une synthèse de ces deux expériences et des expériences de mes associés. Mes associés sont Hichem, notre CTO, qui est un ancien lead dev de Qonto et architecte de Boursorama, et Camille Tyan, qui est le fondateur et ancien CEO de PayPlug. On a tous les trois cette casquette FinTech, banque et paiements. Le point commun entre nous trois, c'est que dans toutes nos boîtes, on a eu à gérer des produits, systèmes ou opérations de paiements complexes. Donc construire ou gérer des produits de paiement complexes, développer des systèmes de paiement et des intégrations bancaires et gérer des paiements à grande échelle avec toute la complexité que tu peux imaginer.
Je peux prendre l'exemple d'iBanFirst, qui est une solution de paiements internationaux. Comme toutes les FinTechs, iBanFirst a des banques partenaires qui tiennent ses comptes, qui lui donnent accès aux réseaux de paiement (comme Swift et SEPA), et qui exécutent ses paiements. Donc iBanFirst a dû et doit encore développer, maintenir et faire évoluer des intégrations avec plusieurs banques partenaires, développer un système qui permet de gérer l’envoi, la réception et la réconciliation des paiements de ses clients, la gestion des anomalies à grande échelle, etc. Et c'est toujours à grande échelle que les difficultés apparaissent et que les 0,1 % à 1 % d’anomalies deviennent très complexes à gérer.
La deuxième partie de la réponse, c'est que dans toutes nos expériences précédentes, nos boîtes ont fait le choix de tout développer elles-mêmes plutôt que d'utiliser des solutions du marché. Ce n'était pas nécessairement une mauvaise idée, mais c'était très consommateur de temps et de ressources, et cela se faisait forcément au détriment d'autres initiatives produits.
Nous avons donc fait le choix de développer cette solution avec Numeral, c'est une solution d'orchestration bancaire. L’autre manière de la décrire, c'est une solution de connectivité bancaire et d'automatisation des paiements. Nous développons cette plateforme qui permet aux FinTechs de se connecter à leurs banques partenaires et d'automatiser l'envoi, la réception et la réconciliation des paiements grâce à une API unique, des webhooks et un tableau de bord.
Vous vous adressez uniquement à des FinTechs ?
Notre cible de manière élargie, c'est toute entreprise qui a des volumes de paiement importants, soit parce que le paiement est son produit, soit parce que le paiement est au cœur de son modèle opérationnel. Et donc ça, c'est évidemment le cas des entreprises dans les services financiers, mais c'est aussi le cas d'entreprises dans l'assurance, l'immobilier, l'intérim, le voyage, le commerce...
À court terme, on a fait le choix de se concentrer sur les FinTechs et sur les services financiers. Ce sont les entreprises dans ces industries qui ont les besoins les plus sophistiqués, ce qui nous permet de développer le meilleur produit le plus vite possible.
Tu pourrais nous expliquer vos fonctionnalités, ce qu'on peut faire avec Numeral ?
La première chose, c'est se connecter à sa banque pour envoyer des ordres de paiements, comme des virements, des virements instantanés ou des prélèvements, sur plusieurs réseaux de paiements comme SEPA en Europe continentale ou Bacs et FPS au Royaume-Uni. La seconde, c’est de récupérer le solde et les mouvements de ses comptes en banque. Et puis, la troisième chose, c'est de faire de la réconciliation bancaire, c’est-à-dire réconcilier les ordres de paiement et des mouvements de compte pour savoir exactement ce qui se passe sur les comptes. C’est d’ailleurs une fonctionnalité dans laquelle on investit beaucoup et qu’on étend à la réconciliation des remises cartes, des virements envoyés par les clients de nos clients, etc.
Autour de ces fonctionnalités, qui sont le cœur de notre solution, on développe des fonctionnalités de gestion de contrepartie, de gestion des IBAN virtuels, de gestion de mandat de prélèvement, de contrôles anti-fraude, etc.
Toutes les fonctionnalités sont disponibles par API et webhooks pour que les équipes produit et tech puissent les intégrer dans leurs produits et leurs systèmes. Les équipes finance et opérations peuvent utiliser le dashboard pour gérer leurs opérations de paiements (contrôles, gestion des anomalies, réconciliations manuelles, etc.)
Est-ce que tu as un cas d'usage classique pour qu'on comprenne bien comment ça fonctionne ?
Prenons Spendesk comme exemple. Spendesk est une solution de paiement en entreprise. Avec Spendesk, tu peux émettre des cartes et payer par carte. Tu peux aussi régler des factures par virement et rembourser des notes de frais par virement. Spendesk est un établissement de paiement, donc ils ouvrent et tiennent les comptes de leurs clients, et ils ont une ou plusieurs banques partenaires qui gèrent leurs comptes, leur donnant accès aux réseaux de paiement (notamment SEPA) et exécutent leurs paiements. Ils auraient dû développer plusieurs intégrations avec leurs partenaires bancaires pour opérer leurs services, mais ils ont choisi d'utiliser Numeral à la place.
Le premier cas d'usage, c'est lorsque je suis client Spendesk, donc une entreprise cliente de Spendesk, j'ai un compte chez Spendesk que je dois créditer pour ensuite pouvoir approvisionner des cartes, effectuer des paiements par carte ou faire des virements, que ce soit pour payer des factures ou rembourser des notes de frais. Numeral récupère les informations de virements entrants auprès de la banque partenaire de Spendesk et notifie Spendesk en temps réel par webhook à chaque fois qu'un client Spendesk effectue un virement sur un IBAN Spendesk. Le premier cas d'usage, c'est donc le crédit de compte.
Le deuxième cas d'usage, c'est le virement sortant, où Spendesk utilise Numeral pour envoyer des ordres de virements (standards ou instantanés) à leur banque partenaire.
Donc pour résumer, Spendesk a des comptes gérés par une ou plusieurs banques et vous gérez la liaison entre Spendesk et leurs banques partenaires ?
C’est ça. Les sous-comptes de Spendesk sont tenus par Spendesk dans leur système bancaire, leur Core Banking System. Il faut donc qu'il y ait une interface entre le système de Spendesk et le système de la banque. Cette interface, c'est Numeral. On se place entre le SI de l'établissement de paiement et le SI de la banque partenaire.
Le paiement BtoB semble être un véritable enjeu en ce moment. Quelle est ta vision là-dessus, et quels sont les grands enjeux du paiement qui arrivent selon toi ?
C'est une bonne question. Je pense que de manière générale, dans la FinTech, il y a eu beaucoup d'innovations tournées vers les particuliers, donc du BtoC. Beaucoup autour du paiement en ligne, du paiement mobile, du paiement peer-to-peer, des wallets, etc. Ça a créé de nouveaux usages, de nouvelles attentes, qui maintenant se reflètent dans le monde de l'entreprise.
Dans nos vies professionnelles, on attend les mêmes expériences utilisateur et la même instantanéité que dans nos vies personnelles. Cela crée de nouveaux besoins et de nouvelles attentes, et les FinTechs développent des solutions pour répondre à ces attentes, car les banques ont du mal à les développer. Parce qu'elles ne sont pas des entreprises technologiques, ni des éditeurs de logiciels, mais des fournisseurs de services financiers. C'est une partie de la réponse.
La deuxième, c'est qu'il y a beaucoup d'évolutions réglementaires avec de nouveaux moyens de paiement, comme le virement instantané, et de nouvelles façons d'accéder aux comptes, comme l'Open Banking. C'est un peu toutes ces innovations d'usage et ces changements réglementaires qui créent ces innovations dans le paiement BtoB. Chaque paiement BtoC, c’est à un moment ou un autre un paiement BtoB, de la même manière que chaque paiement par carte est à un moment ou un autre un virement ou un prélèvement. Et ce sont des marchés beaucoup plus gros.
Pourquoi c’est plus complexe en BtoB qu’en BtoC ?
Je pense que la difficulté réside dans le fait que les entreprises sont structurellement plus lentes à changer que les particuliers. Elles ont des organisations, des équipes, des processus, des systèmes en place qui prennent plus de temps à évoluer.
Les entreprises sont également plus réticentes au changement, car modifier une manière de faire dans une entreprise comporte beaucoup plus de risques que de changer ses habitudes en tant que particulier. En réalité, en tant que particulier, nous effectuons très peu de paiements bancaires, généralement entre cinq et dix par mois, comme le paiement du loyer, de factures d'électricité, de téléphone, d'assurances... C’est beaucoup plus du côté des entreprises, ce qui est extrêmement complexe à gérer à grande échelle. Voilà pourquoi c'est plus complexe en BtoB.
Tu parlais de réglementation, comment dessine-t-elle l’écosystème financier ?
Si on prend les différents aspects, la DSP1, c'est la création de la licence d'établissement de monnaie électronique, qui autorise des non-banques à tenir des comptes et exécuter des paiements pour le compte des clients. DSP2, c'est l'établissement de paiement qui vient compléter, sous une forme un peu allégée, la licence d'établissement de monnaie électronique, et l'Open Banking, donc la possibilité pour des tiers autorisés régulés d'accéder aux comptes tenus par des banques, d'initier des paiements depuis des comptes tenus par des banques.
Il y a tout un tas de contraintes supplémentaires autour de l'Open Banking pour faciliter l'usage et l'adoption. Il y a une attention accrue au fait que les établissements de paiement et de monnaie électronique puissent relativement facilement ouvrir des comptes en banque auprès des établissements de crédit, car sans compte en banque auprès des établissements de crédit, ils ne peuvent pas opérer. L'ouverture de comptes auprès des établissements de crédit n'est pas toujours facile, et cela crée une forme de distorsion de la concurrence. La réglementation force les établissements de paiement et de monnaie électronique à ouvrir des comptes auprès des établissements de crédit, mais tous les établissements de crédit ne sont pas disposés à le faire, car ils sont considérés comme des concurrents. Avec la DSP3, les établissements de paiement et de monnaie électronique pourront accéder directement au réseau de paiement SEPA, sans passer par un établissement de crédit qui joue le rôle de banque partenaire. Cela va continuer à désintermédier les réseaux de paiement et permettre un accès plus direct.
Qu'est-ce que ça va pouvoir apporter à Numeral ?
À l’heure actuelle, une grande partie de nos clients sont des sous-participants SEPA. Cela signifie que nos clients ont leur code banque et leurs IBAN et peuvent recevoir des paiements SEPA via une banque partenaire.
Avec la DSP3, nos clients pourront participer aux réseaux SEPA en direct. Nous les connecterons non plus à une banque partenaire, mais directement aux chambres de compensation et de règlement. Ils seront ainsi plus intégrés avec les réseaux de paiement, auront plus de transparence, plus de contrôle et des coûts encore plus faibles. Ils seront vraiment, du point de vue de la chaîne de valeur et de l'infrastructure de paiement, au même niveau que les banques.
Vous en êtes où à l'heure actuelle ?
On a un peu plus de deux ans, on a créé Numeral en juillet 2021. On a développé notre MVP et signé nos premiers clients, dont Spendesk et Swile, très rapidement. On a levé notre Seed de 13 M€ auprès de Balderton Capital en décembre 2021. On a lancé l’API et les webhooks au printemps 2022 et le dashboard fin 2022, connecté une douzaine de banques à la plateforme et développé le support de tous les moyens de paiements SEPA et Bacs et FPS (pour le Royaume-Uni). Nos premiers clients sont passés en production début 2023 et on traite désormais des millions de paiements pour une valeur de plusieurs milliards d’euros sur une base annualisée. On travaille avec certaines des plus belles FinTechs françaises, dont Spendesk, Swile, Alma, Xpollens et Floa. Nous sommes une trentaine dans l’équipe, distribués dans 7 pays, avec un bureau à Paris et bientôt un bureau à Londres.
Comment on entreprend quand on lance un projet comme Numeral, avec une problématique et une infrastructure qui est quand même complexe ?
Il y a deux ans, on était du côté de nos clients, donc on avait une connaissance intime de leur problématique et de leurs besoins. Pour autant, on a tout de même fait beaucoup d'entretiens clients (probablement entre 30 et 50), pour valider le besoin. Et on a travaillé avec nos premiers clients pour concevoir la solution et s'assurer qu'elle répondait bien à leurs besoins. Nos deux premiers clients ont été ce que l'on appelle des design partners. On continue derrière chaque nouvelle fonctionnalité à la co-concevoir d'une certaine manière avec un ou plusieurs clients.
C'est un produit complexe, et pour l’instant on préfère servir peu de clients qui ont des volumes de paiement importants et bien les servir, plutôt que de servir plus de clients avec des volumes de paiement plus faibles et de ne pas bien les servir. Ensuite, il y aura évidemment un enjeu de passage à l'échelle au fur et à mesure que l'on développe le produit et qu'on industrialise notamment les opérations. On pourra alors travailler avec des clients plus petits.
Vous n'êtes qu'en France à l'heure actuelle, ou également en Europe ?
On a connecté des banques en France, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Italie et bientôt en Belgique. Donc, on a une ouverture européenne, avec des clients dans plusieurs pays d'Europe. L'ambition, c'est de développer une boîte européenne, de connecter des banques européennes à la plateforme et servir des clients européens ou non-européens avec des opérations en Europe.
Quelle est la feuille de route sur les prochains mois, les prochaines années ?
La feuille de route, c'est de continuer à développer le produit, ce qui veut dire connecter plus de banques à la plateforme pour pouvoir servir des clients dans plus de pays. Les banques sont relativement locales. C'est aussi d'ajouter plus de fonctionnalités à forte valeur ajoutée pour augmenter la valeur que nous créons dans le produit, tout en réduisant les projets d'implémentation chez nos clients. Une solution API-first n'est pas une solution clé en main, elle doit être intégrée dans le système et le produit du client. Plus nous développons de fonctionnalités, moins nos clients doivent en développer, ce qui accélère l'implémentation, réduit les coûts et permet aux clients d'être en production plus rapidement.
Le deuxième grand axe est le développement commercial, qui inclut le triptyque marketing, communication et vente. Notre objectif est de faire connaître Numeral, d'établir des partenariats de distribution et de signer des clients en France et en Europe, tout en trouvant le modèle qui fonctionne pour notre produit et notre marché.
Un dernier mot pour conclure ?
Oui, on a lancé Numeral avec Logic Founders, qui est le studio FinTech d’eFounders avec Camille Tyan.
Camille, je le connais depuis quelques années déjà, et on a décidé de lancer Numeral ensemble. Moi, je cherchais un cadre pour me lancer, lui cherchait un fondateur et CEO pour lancer Numeral. Et nos projets étaient assez concordants, nos expériences étaient vraiment alignées.
Camille et Logic Founders sont les troisièmes fondateurs de Numeral, avec un rôle relativement opérationnel au début et plus un rôle de conseil maintenant. Cela nous a énormément aidés à lancer Numéral, à aller vite, à signer les premiers clients, à recruter l'équipe, à réaliser la première levée de fonds. Cela nous a permis d'être très bien financé et d’être serein pour développer Numeral en ces temps un peu incertains pour la FinTech, et pour la Tech en général.
Un grand merci à Édouard pour cette interview, rendez-vous dimanche prochain pour parler banque en ligne ! 👋