Hello 👋
La finance intégrée est en train de révolutionner le monde de la finance en apportant des solutions qui, jusque-là, n’était pas accessibles à tous. Parmi celles-ci notamment, le financement de petites factures !
Pour parler de tout ça, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Clément Carrier, co-fondateur & CEO d’Aria, une solution de financement instantané de factures par API. 💶
Au programme de notre échange avec Clément :
Le financement de factures instantané 🧾
IA & Scoring 🤖
La levée de fonds 🚀
La hausse des taux 📈
⏱️ Temps de lecture : 6 minutes
Hello Clément, pourrais-tu commencer par te présenter et nous parler d’Aria ?
Salut Thomas ! Je m'appelle Clément Carrier, j'ai 30 ans et je suis le CEO et co-fondateur d’Aria.
Au démarrage d’Aria, nous étions 2 fondateurs : Vincent et moi. On s'est rencontrés à l'école il y a un peu plus de 10 ans maintenant et avons travaillé chacun de notre côté pendant quelque temps. De mon côté, j'ai une formation d'ingénieur en machine learning, data science, et une formation d'économiste. Vincent, lui, a fait de l’économie et de la finance.
On a été confrontés à la problématique sur laquelle on travaille aujourd'hui, à savoir que souvent, les petits acteurs comme les PME, les TPE, les freelances, rencontrent des difficultés pour se faire payer leurs factures. On leur impose souvent des délais de paiement de 30, 40, voire 60 jours, auxquels s'ajoutent parfois des retards de paiement, ce qui peut être très inconfortable pour une petite entreprise.
Alors, avec Vincent, on a commencé à réfléchir à cette problématique de paiements BtoB et à essayer de comprendre pourquoi il n'y avait pas vraiment de solution pour ces petits acteurs. On s'est rendu compte que la principale raison était le risque de fraude. Quand on a une petite entreprise, il est assez facile de créer une fausse facture et de disparaître, alors que pour un grand compte, c'est impossible.
D'un autre côté, le coût de distribution est assez élevé. L'équation économique est assez compliquée parce que lorsque vous avez un freelance, une TPE, une PME, vous émettez de petites factures, ce qui rend difficile pour les organismes traditionnels de trouver un modèle rentable par rapport à leurs coûts d'acquisition.
C'est ainsi que nous avons décidé de lancer Aria et de construire une infrastructure de paiement différé, qui s'intègre à des tiers, afin de pouvoir distribuer du financement de factures de manière sécurisée. Le tout en gérant efficacement les risques tels que la fraude, le risque de crédit, le risque opérationnel, le risque de litige, et tout en maîtrisant les coûts d'acquisition.
En étant intégrés à des tiers comme des marketplaces BtoB, des SaaS transactionnels ou encore des ERP, nous répondons à ce problème majeur tout en ayant une équation économique rentable.
Quand tu as besoin de lever des fonds, tu le sens. Il n’y a pas de doute.
Vous ne faites que du financement via des tiers ? Pourrais-tu expliquer comment tout ça fonctionne ?
Prenons un exemple avec notre première cible qui a été les marketplaces de freelances. Le cas d'usage est assez simple.
Imaginons un freelance qui va faire une mission : à la fin du mois, on fait un relevé des compteurs et il y a 20 jours travaillés. C'est validé par le donneur d'ordre et ça génère une facture. À ce moment-là, Aria va payer le freelance et le donneur d'ordre paiera cette transaction avec ses conditions de paiement classiques. C'est compliqué d'aller demander à l'Oréal de changer ses conditions de paiement.
Et finalement, tous ces échanges d'informations permettant le paiement différé de ces transactions BtoB se fait via notre API qui est intégrée par notre partenaire : la marketplace, le SaaS ou l’ERP.
On apporte à nos clients toute la complexité réglementaire, la gestion des flux, l’analyse des risques, l'assurance en cas de problème d'impayé et la réconciliation des flux. On apporte toutes ces briques-là qui ne sont pas du tout dans leur core business, mais qui sont pourtant un élément central de leur activité. Si bien que finalement, la plupart des marketplaces avec lesquelles on travaille considèrent que c'est tellement important d'accélérer le paiement entre leurs acheteurs et vendeurs qu'ils l'intègrent dans leur proposition de valeur et pour 100% de leur volume.
En parlant d’analyse, comment gérez-vous votre risque de crédit ?
Alors il y a plusieurs façons de récupérer les informations :
Il y a des informations historiques chez nos clients.
Il y a toutes sortes d'informations publiques ou privées. Donc parfois on paye de l'information, parfois on la récupère automatiquement via des API ouvertes.
On utilise également des informations d'assureurs crédit.
On a une surcouche d'analyse de notre côté, ce qui donne un scoring et des limites de crédit par entreprise. On est capable de prendre une décision instantanée sur un SIRET ou un numéro de TVA en France ou dans d'autres pays en Europe.
Vous avez des typologies d’entreprise qui se prêtent particulièrement bien à votre solution ?
Notre sujet, ça va être le risque du débiteur. Donc c'est le donneur d'ordre, l'entreprise qui achète une prestation sur une marketplace. C'est vraiment l'éligibilité de cette entreprise qui est importante.
Les principaux critères vont être la rentabilité, la taille du bilan, la taille de l'entreprise elle-même. Plus une entreprise est grande et solvable, plus les limites de crédit seront importantes.
Ce n'est pas tellement un sujet de secteur, même si évidemment il y a des secteurs qui sont plus risqués par nature, comme la construction. Maintenant, si on a un donneur d'ordre dans la construction qui est une belle PME qui fonctionne bien, il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas gérer le paiement de cette transaction.
Vous souhaitez rendre de plus en plus accessible ce type de financement à des petits acteurs ?
On a déjà beaucoup de débiteurs, de donneurs d'ordre, qui sont des PME, et pas forcément des grosses PME. C'est juste que les volumes sont un peu plus faibles, parce que les besoins sont plus faibles.
D'autre part, on est un peu plus sensible à l'analyse crédit et à ce qu'on accorde. Mais évidemment, il y a un vrai sujet à résoudre. Le but, in fine, c'est de faire une activité qui est saine sur le long terme. Il y a certaines entreprises qui ne sont pas éligibles parce que c'est trop risqué. À la fois pour nous et à la fois pour notre client. Aujourd’hui nous gérons extrêmement bien notre risque, c’est d’ailleurs ce qui fait notre force par rapport aux autres solutions du marché et ce qui nous permet d’être compétitifs sur les tarifs que nous proposons à nos clients.
Utilisez-vous l’IA pour vos analyses ? Qu’en penses-tu ?
Je ne crois pas forcément à une histoire de révolution du scoring par de l'IA sur notre activité. À ce stade ce n'est pas encore assez mature. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait pas d'analyse de données. On en fait avec des règles de décisions métiers puis en intégrant une dimension statistique dans la prise de décision. Mais disons que l'enjeu c'est plutôt l'automatisation de tâches. Donc, c'est de développer des API, s'intégrer à des partenaires pour pouvoir automatiser un maximum de choses, un maximum de prises de décision.
Ce qu'on apporte par rapport à des acteurs traditionnels, c'est notre capacité à automatiser toutes ces tâches pour pouvoir gérer des petites transactions. Quand je dis petites transactions, on gère des transactions à moins de 100€ parfois. Mais pour une banque, ce sont même des transactions à moins de 100 000€. Une banque ne sait pas forcément gérer une prestation de freelance à 10 000€.
Comment gagnez-vous de l'argent ?
On facture une commission sur les flux de paiement qui transitent. Donc à chaque fois qu'on paie une facture, qu'on gère un paiement différé, on y associe une commission.
Tu aurais quelques chiffres à nous partager ?
Nous sommes à plus de 200 millions d’euros de financement depuis 18 mois et on continue d'avoir une croissance mensuelle très élevée.
Vous avez levé des fonds il me semble ?
Tout à fait ! On a fait un premier tour en Seed en juin 2021, et on a structuré deux choses :
D'une part, il y a des levées de dettes spécifiquement dédiées au financement des factures. C’est une poche d'argent distincte qui n’est pas mélangée avec les levées de fonds en equity, qui servent à financer la croissance et le développement de l'entreprise.
Jusqu'à présent, nous avons levé relativement peu de fonds en equity (4.5M€), car cela fait partie de notre nature d'être assez prudent dans la gestion de l'entreprise
Récemment, nous avons effectué une nouvelle levée de fonds de dettes avec M&G Investments, un fonds de dette basé au UK, qui est très reconnu sur le marché.
Dans ce cadre, nous avons également effectué une petite opération en equity pour finaliser cette transaction car nous en avions besoin. Nous prévoyons de faire un nouveau tour de financement dans le futur.
Est-ce que tu aurais un conseil à donner, un retour d'expérience, pour un entrepreneur qui souhaite lever des fonds ?
Je pense qu'il faut vraiment savoir ce que l'on va faire avant de lever des fonds. Imaginons que l'on veuille lever 3 millions, il faut se demander ce que l'on ferait avec cet argent si on l'avait sur notre compte demain.
En réalité, la levée de fonds n'est qu'un moyen d'exécuter un plan stratégique. Il y a plusieurs chemins possibles pour atteindre un objectif et on peut se dire qu’on peut le faire en levant des fonds, ou peut-être en ne levant pas de fonds du tout.
Fondamentalement, tant que l’on peut avancer sans avoir besoin de fonds, il faut aller le plus loin possible sans lever. C’est d'autant plus vrai aux premières phases d'une entreprise. Si l'on a la chance de pouvoir lever des fonds dans de bonnes conditions sans avoir prouvé grand-chose, pourquoi pas. Mais je pense que cette phase est un peu révolue maintenant dans l'environnement actuel. Il faut faire le maximum avec le moins possible, évidemment sans tomber dans l'excès d'attendre indéfiniment. Si obtenir des fonds permet d’accélérer drastiquement la croissance, alors c’est évidemment une bonne chose.
Finalement, ça se résume à ce que l’on veut faire de notre entreprise. Quel est le projet, l’ambition derrière ? Dès qu'on a des bonnes metrics prouvant qu'on génère des revenus, même si notre produit n'est pas parfait, c'est à ce moment-là qu'on pourra lever beaucoup plus rapidement et gagner du temps dans le processus de levée de fonds. Pour notre Seed, cela s'est fait très rapidement car nous avions prévu suffisamment de choses en amont.
Mon principal conseil est donc d’avancer seul le plus possible, savoir ce qu'on fait avec l'argent qu'on lève, avoir un vrai plan stratégique à financer, et ne pas lever juste pour lever.
À partir de quel moment vous êtes-vous dit “on doit lever” ?
Quand on a fait notre Seed, on commençait à avoir une croissance tous les mois qui était très forte. On signait des nouveaux clients tous les mois et beaucoup de choses étaient faites de façon manuelle. Donc il y avait un réel enjeu de produit qui était très fort à ce moment-là. On a dû lever pour pouvoir accélérer notre développement produit, pour finalement être capable de signer des nouveaux clients qui avaient des besoins en produits qu'on n'avait pas encore.
Quand tu as besoin de lever, tu le sens. Il n’y a pas de doute. C'est quand tu te dis "si je continue comme ça, je vais manquer des opportunités juste parce que je ne suis pas assez structuré", qu’il faut passer à l'étape de "OK, je structure la boîte, je recrute les bons profils pour ne pas passer à côté d'une opportunité".
La levée, ça permet d'accélérer. Soit tu te dis "je fais une activité rentable petit à petit, je développe l'activité, mais c'est juste un peu plus lent". Soit tu te dis "Oh là là, j'ai des opportunités que je risque de manquer parce que si je ne lève pas, je vais prendre trop de temps pour y arriver".
C'est cet arbitrage-là qu'il faut avoir à l'esprit.
Pour terminer, j’aimerais parler un peu du contexte économique actuel. Quel est l’impact de la hausse des taux sur votre business ?
C'est marrant, on me pose tout le temps cette question en ce moment. Il faut voir deux choses :
Le premier effet à court terme, c'est de dire que les taux augmentent. Nous, quand on structure des financements, on est très souvent sur des taux variables, donc on est impacté par ça. On est aussi un peu obligé d'impacter nos clients, parce que le coût du financement augmente, donc on doit impacter toute la chaîne.
L'autre point, c'est que les capitaux sont de plus en plus rares. Donc finalement, notre produit est de plus en plus nécessaire. Pourquoi ? Parce que ce sont nos cibles qui sont le plus touchées par les resserrements de financement. On voit une énorme augmentation de la demande dans cet environnement-là, on en tire donc plus de profit que l'inverse. On n'en a pas profité pour augmenter nos marges, ce n'est pas du tout le sujet, mais c'est plutôt un bénéfice en termes de demandes. Il y a la demande qui augmente, et donc on essaie d'y répondre au mieux possible.
Après, il faudra quand même un jour que les taux se calment. Au bout d'un moment, si les taux continuent d'augmenter, rien que pour le sujet de la soutenabilité des dettes publiques, ça ne sera plus tenable pour les pays. Lorsque j'étais étudiant, on parlait déjà des dettes publiques en Europe. On était à 80% du PIB pour la France et on disait que c'était critique. Aujourd'hui, on doit être à presque 120%. Si les taux continuent d'augmenter, au bout d'un moment, la charge de la dette va être trop importante. Je pense que les banques centrales vont devoir quand même un peu calmer le jeu. Même si elles sont indépendantes, j’imagine que le débat sera tout de même sur la table.
Un grand merci à Clément pour son temps ! Rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle interview. 🎙️