Le bitcoin est-il une révolution ? (et pourquoi 🤷♂️)
Avec Alexandre Roubaud, co-fondateur & CEO de Bitstack.
Salut tout le monde 👋
Depuis des années, le bitcoin est un sujet qui fait beaucoup parler :
“C’est une révolution”
“On va pouvoir se passer des banques”
“Ce n’est que de la spéculation”
“Ça ne sert à rien”
Pour être honnête, je suis le premier à avoir des difficultés à me faire un avis sur le sujet. Je vois bien les possibilités qu’offrent le bitcoin : garder un certain contrôle sur mon argent, sécuriser mes transactions, garantir leur transparence. Super, mais concrètement, ça sert à quoi aujourd’hui ?
Je me suis donc dit que j’allais poser toutes mes questions à un spécialiste, et je n’ai pas été déçu !
J’ai eu l’occasion de discuter avec Alexandre Roubaud, le co-fondateur & CEO de Bitstack. Cette fintech, passée par YC et membre du FUTURE 40 de Station F, vous aide à épargner facilement dans le bitcoin, et plus à venir. Elle compte +50 000 utilisateurs et +1 000 bitcoins épargnés sur son app.
Au programme de notre discussion :
Bitstack 🚀
L’intérêt du bitcoin 💡
Bitcoin vs Crypto 🥊
L’ETF Bitcoin Spot 📈
⏱️ Temps de lecture : 7 minutes
Hello Alexandre, pour commencer, j’ai une question très simple : à quoi sert le bitcoin ?
Salut Thomas, c'est une question qui revient souvent ! Pour aller droit au but, le bitcoin est révolutionnaire selon moi pour deux raisons principales.
Premièrement, on parle souvent du bitcoin en tant que monnaie, mais avant tout, Bitcoin est un protocole informatique. Il permet d'échanger et de stocker de la valeur sur internet d'une manière radicalement nouvelle, sans intermédiaire, c'est-à-dire sans tiers de confiance. Ce protocole assure des échanges et un stockage de valeur hyper sécurisés, incensurables et programmables. Voilà pour le premier point.
Ensuite, le deuxième aspect révolutionnaire de Bitcoin concerne sa sécurisation. En sécurisant le réseau, le protocole inclut l'émission d'un jeton numérique, le bitcoin. À ce propos, une petite parenthèse : Bitcoin avec un B majuscule désigne le protocole informatique, le réseau lui-même, permettant d'échanger et de stocker de la valeur sur Internet de manière sécurisée, programmable et sans intermédiaire de confiance. La sécurisation de ce réseau implique l'émission de bitcoin, avec un petit b, utilisable comme une monnaie.
Pourquoi peut-on utiliser le bitcoin, le jeton natif de ce réseau, comme une monnaie ? Parce que le bitcoin possède toutes les caractéristiques d'une monnaie. Parmi les caractéristiques les plus connues, il est durable, incorruptible, divisible, fongible, facile à échanger et à stocker. Ce qui rend le bitcoin particulièrement intéressant, c'est son régime d'émission prévisible et désinflationniste. En pratique, cela signifie que l'émission a débuté de zéro et des jetons sont émis toutes les 10 minutes environ. Cette émission diminue de moitié tous les quatre ans, jusqu'à atteindre le plafond des 21 millions de jetons. Cette diminution programmée contraste avec les monnaies fiat, émises par les États, dont la quantité est imprévisible et inflationniste.
Cette caractéristique monétaire unique augmente la confiance des gens dans le bitcoin en tant que monnaie. Ils savent exactement à quoi s'attendre : un système prévisible et désinflationniste où le pouvoir d'achat augmente avec le temps, l'offre étant limitée.
En résumé, le bitcoin est révolutionnaire car il combine un système de paiement innovant avec un système monétaire révolutionnaire. Pour la première fois, ces deux systèmes coexistent dans un même protocole. Imagine un système de paiement comme Visa combiné avec un système monétaire comme celui d'une Banque Centrale, le tout fonctionnant de manière autonome, sans banque centrale ni intermédiaire de confiance.
Ce système répond à un besoin crucial, moins perceptible en Europe, mais essentiel dans de nombreux pays en développement.
Chez Bitstack, vous permettez d'investir simplement dans le bitcoin. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce que vous faites ?
Chez Bitstack, notre but est simple : permettre à chacun d'épargner et d'investir en bitcoin sans effort. Nous avons commencé par un constat : beaucoup de gens ont du mal à épargner, sans même parler de l'investissement en bitcoin.
D'une part, il y a ceux qui peinent à épargner, et d'autre part, il y a ceux qui veulent faire fructifier leur épargne. Mais le problème, c'est que tout le monde n'a pas les connaissances financières ou techniques requises. Des questions comme "Quel est le meilleur moment pour investir en bitcoin ?" ou "Comment créer un wallet ?" sont courantes.
Nous avons voulu éliminer toutes ces complexités pour que tout le monde, quel que soit son budget, puisse épargner et investir dans le bitcoin facilement. Notre solution à ce problème était de créer un système d'épargne qui soit à la fois simple et efficace. Notre produit phare, qui a largement contribué à notre notoriété, est le modèle de l'arrondi automatique. C'est similaire à l'arrondi caritatif en caisse. Si vous faites un achat de 39,60 euros, l'option vous est donnée d'arrondir à 40 euros, et les 40 centimes d'écart sont alors épargnés. C'est une méthode d'épargne indolore, souvent soulignée par nos utilisateurs.
Le fonctionnement est simple : vous connectez votre compte bancaire à Bitstack, que ce soit LCL, Crédit Agricole ou toute autre banque française ou européenne. On arrondit vos dépenses quotidiennes à l'euro supérieur et on investit automatiquement la différence en bitcoin. Concernant le meilleur moment pour investir, il n'y en a pas vraiment. Sur les marchés, une stratégie connue est le Dollar Cost Averaging, qui implique des investissements réguliers pour lisser le risque. Avec l'arrondi, nos utilisateurs investissent de façon récurrente, ce qui lisse le risque et offre un meilleur rendement sur le long terme.
Enfin, Bitstack, c'est plus que l'arrondi. Les utilisateurs peuvent acheter, vendre, envoyer ou recevoir du Bitcoin, et même planifier des achats récurrents d'un montant fixe à une fréquence déterminée.
J'ai le sentiment qu'à l'heure actuelle, en France, on voit le bitcoin comme un placement spéculatif et non comme un moyen de paiement. Cela va-t-il changer ?
Beaucoup de gens considèrent que le bitcoin n'est pas encore une monnaie à part entière, mais plutôt une monnaie en devenir. Lorsqu'on étudie l'histoire de la monnaie, on remarque qu'elle suit généralement trois étapes : d'abord en tant que réserve de valeur, ensuite comme moyen d'échange, et finalement, elle devient une unité de compte, c'est-à-dire que les prix commencent à être exprimés dans cette monnaie. Le bitcoin, qui est jeune, il n'a que 15 ans, est encore en phase de développement. Il a commencé de rien et peu à peu, les gens lui ont accordé leur confiance.
Pour nous, Européens, les enjeux sont différents. Nous ne rencontrons pas de problèmes majeurs de paiement. Mais des millions de personnes, notamment dans certains pays, font face à des difficultés pour envoyer de l'argent à l'international. Lorsqu'ils souhaitent envoyer de l'argent à leur famille depuis l'étranger, les intermédiaires traditionnels comme Western Union imposent des délais longs et des frais élevés. À l'opposé, avec Bitcoin, les transactions sont quasi instantanées et avec très peu de frais. Sans intermédiaire de confiance, il n'y a pas de censure. Cela signifie que les transactions peuvent être réalisées rapidement, à faible coût, et sans restriction. Ce système répond à un besoin crucial, moins perceptible en Europe, mais essentiel dans de nombreux pays en développement.
De la même façon, le bitcoin répond au problème de l'épargne dans les pays où l'inflation monétaire dépasse les deux chiffres, signe d'un effondrement du système monétaire et d'une perte de confiance dans la monnaie locale. Des exemples frappants incluent le Venezuela, le Zimbabwe, le Liban et la Turquie. Dans ces contextes, le bitcoin devient une valeur refuge. Souvent évoquée pour sa volatilité, la stabilité du bitcoin est relative. Pour quelqu'un au Venezuela, par exemple, où les billets de Bolivar ne valent plus rien, le bitcoin peut paraître moins volatile. Il répond donc à ce besoin d'épargne sécurisée. Là où stocker de grandes quantités de monnaie locale sous le matelas n'est pas viable, le bitcoin offre une alternative solide. Et puis, tout le monde n'a pas accès au dollar américain, et des questions de souveraineté monétaire entrent en jeu.
En France, la situation est différente pour deux raisons. Premièrement, nous n'avons pas ce besoin crucial. Deuxièmement, le cadre fiscal est adapté à une utilisation spéculative, avec une flat tax de 30% sur les plus-values, ce qui rend le bitcoin moins pratique comme moyen de paiement au quotidien.
Le bitcoin suit donc une évolution naturelle. Au début, il est davantage considéré comme une réserve de valeur. Comme il prend de la valeur, les gens sont réticents à le dépenser, sauf s'ils y sont contraints dans certains pays où c'est leur principal moyen d'échange. En tant qu'Européen, je préfère dépenser en euros et épargner en bitcoin, avec l'idée de le dépenser plus tard quand il aura encore plus de valeur.
Qu’est-ce qui différencie le bitcoin des autres cryptomonnaies ?
Chez Bitstack, nous avons une conviction forte : le bitcoin et les autres cryptomonnaies appartiennent à deux catégories distinctes. Souvent, le grand public et les médias parlent du bitcoin comme une cryptomonnaie, ce qui crée un amalgame. Mais pour nous, ils sont très différents. Les cryptomonnaies sont plutôt perçues comme des actifs spéculatifs. La majorité d'entre elles ont un usage essentiellement spéculatif. J'aime à dire, à moitié en plaisantant, que c'est un peu comme un casino géant en ligne. On compte plus de 8000 cryptomonnaies, avec des gens qui investissent, des cours qui fluctuent et parfois des arnaques.
En revanche, Bitcoin, pour moi, représente une véritable innovation, à la fois technologique, monétaire et sociétale. Il offre un usage réel en matière de paiement et d'épargne, ce qui est complètement différent. Cela découle de la manière unique dont le bitcoin a été créé et de ses caractéristiques spécifiques, que les autres cryptomonnaies n'ont pas. Bitcoin a été initié par une personne ou un groupe de personnes sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, qui ne contrôle pas le réseau. Satoshi a établi les règles, un peu comme un cadeau offert à tous, disant « Voici comment ça fonctionne, lancez-vous ». La création des jetons ne ressemble pas à celle d'une banque centrale. Satoshi n'a pas simplement créé de la monnaie de nulle part pour s'en attribuer une part. Il a instauré un système où pour créer un jeton, il faut dépenser de l'énergie computationnelle pour sécuriser le réseau, et en récompense, de nouveaux jetons sont émis. C'est ce qu'on appelle le minage ouvert, et tout le monde pouvait y participer.
En plus, les caractéristiques du réseau Bitcoin sont immuables. Il n'y aura jamais plus de 21 millions de Bitcoin. Les règles sont les mêmes pour tous et sont bien connues. Ce n'est pas le cas des autres cryptomonnaies, où souvent, quelques développeurs décident de créer une nouvelle monnaie, avec des règles et des objectifs différents.
En fin d’année dernière, il y a eu l'apparition de l’ETF Bitcoin Spot. Peux-tu nous expliquer ce que c'est, et ce que ça signifie pour le bitcoin ?
L'ETF Bitcoin Spot est un indice qui suit la performance de l'actif sous-jacent, donc du bitcoin. En Europe, il n'est pas autorisé d'avoir un indice suivant la performance d'un seul actif pour des raisons réglementaires, c'est pourquoi il n'y a pas d'ETF Bitcoin Spot en Europe et il n'y en aura probablement jamais sous la réglementation actuelle. Aux États-Unis, en revanche, il est possible d'avoir un ETF qui suit la performance d'un seul actif.
Ce qui est particulièrement intéressant avec l'ETF Bitcoin Spot, c'est qu'il permet pour la première fois aux investisseurs d'investir dans du bitcoin via un véhicule réglementé. C'est crucial, car de nombreux investisseurs, professionnels ou institutionnels, sont soumis à des contraintes réglementaires strictes. L'alternative, jusqu'à présent, était d'acheter directement du bitcoin, comme on peut le faire sur Bitstack, mais cela implique des contraintes en matière de conservation et de reporting, ce qui peut être compliqué.
Un ETF est un produit traditionnel réglementé qui ouvre le marché du bitcoin à un nouveau flux de capitaux. L'arrivée de l'ETF ne concurrence pas directement des plateformes comme Bitstack, car elle cible un public différent. Les particuliers privilégieront toujours l'achat direct du bitcoin, car cela leur permet de profiter pleinement de ses avantages, comme la possibilité de faire des paiements. Mais pour de grands fonds institutionnels ou des fonds de pension, l'objectif est de suivre la performance du bitcoin sans nécessairement bénéficier de toutes ses fonctionnalités. Et réglementairement, ils ne pouvaient pas investir directement dans le bitcoin.
L'ETF leur permet donc de déployer du capital sur le marché du bitcoin. Étant donné que l'offre de bitcoin est fixe, avec un maximum de 21 millions de jetons, l'entrée de capitaux supplémentaires via l'ETF signifie une augmentation des investissements dans Bitcoin. C'est une évolution positive pour le marché.
Très intéressant ! Pour terminer, revenons à Bitstack. Où en êtes-vous à l'heure actuelle, et quels sont vos enjeux à venir ?
Actuellement, nous souhaitons faire évoluer notre produit. Nous avons annoncé le lancement de la carte Bitstack, qui s'inscrit dans cette vision. Nous avons constaté que le bitcoin attire une nouvelle audience, en particulier la Gen Z, pour qui c'est une classe d'actif intégrée à leur quotidien. Ils veulent non seulement épargner et investir en bitcoin, mais aussi potentiellement l'utiliser pour des paiements futurs. Nous avons réussi à atteindre cette cible et, dans cette optique, nous souhaitons également répondre à d'autres de leurs besoins bancaires quotidiens.
L'évolution naturelle pour nous est donc de proposer un compte courant en euros. La réalité est que les gens ne veulent pas dépenser leur bitcoin, notamment à cause du cadre fiscal et parce que sa valeur augmente. Ils préfèrent dépenser en euros. Notre objectif est donc de passer d'une application d'épargne et d'investissement en bitcoin à un compte principal qui inclut un compte courant en euros pour les achats quotidiens. Nous voulons intégrer des mécanismes qui permettent de continuer à épargner et à investir en bitcoin de manière indolore.
Prenons l'exemple de la carte Bitstack : lorsqu'on l'utilise pour des dépenses, les arrondis continuent à être investis en bitcoin. Les utilisateurs pourront également épargner régulièrement et acheter ou vendre du bitcoin. Nous sommes en train de créer un réseau de partenaires pour que les utilisateurs puissent gagner du cashback en bitcoin lors de leurs achats, une nouvelle manière d'épargner sans effort et sans coût supplémentaire.
Notre ambition est de devenir le compte principal des utilisateurs, pour qu’ils puissent gérer leurs dépenses courantes tout en conservant une composante Bitcoin, qui est le cœur de notre activité.
Un grand merci à Alexandre pour toutes ces explications, et rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle interview !
Toujours très clair