Salut tout le monde 👋
L’un des grands inconvénients lorsqu’on investit dans des entreprises non cotées, c’est l’illiquidité de l’investissement. Pas toujours simple d’en sortir !
Pour cela, une solution existe : la tokenisation.
Mon invité du jour nous explique tout sur le sujet. Mark Kepeneghian est le fondateur & CEO de Kriptown, une véritable bourse pour les PME qui ambitionne de se placer à côté d’Euronext.
Au programme de notre discussion :
La tokenisation ⚙️
Investir dans des PME 💶
Le parcours de Mark 💼
Les enjeux de Kriptown 🚀
⏱️ Temps de lecture : 5 minutes
Salut Mark, peux-tu te présenter pour commencer ?
Salut Thomas, je suis le fondateur de Kriptown, que j'ai fondé en 2018. En parallèle de ça, je siège au board de France Fintech où je m'investis notamment sur tous les sujets réglementaires. Je suis également vice-président et membre du board de l'ADAN, principalement sur les sujets liés à la tokenisation et à l'institutionnalisation de l’association.
Avec moins de VC, il y a moins de restrictions, moins de clauses à respecter, et moins de personnes au conseil d'administration. C’est plus souple pour l'entreprise.
Que faites-vous chez Kriptown ?
Nous nous sommes créés avec l'idée que le financement des PME en France est complexe, que ce soit en termes d'accessibilité ou de liquidité. Nous nous sommes dit “Comment peut-on créer une plateforme qui va plus loin que le crowdfunding ? Une plateforme qui va permettre d'avoir la possibilité d'investir totalement en ligne et de pouvoir revendre facilement”. Nous avons donc créé une plateforme enregistrée en tant que PSAN qui se spécialise aujourd’hui dans la tokenisation via des actifs numériques pour financer des PME.
On propose également deux autres produits :
Un qui s'appelle Kassis, qui permet aux sociétés de tokeniser une partie de leur valeur pour la distribuer à leurs salariés, à leurs freelance, à leurs clients.
Et puis un troisième de Tokenisation-as-a-Service, qui permet à des sociétés qui veulent tokeniser des actifs, par exemple des œuvres d'art, des matières premières, de s’appuyer sur notre savoir-faire et nos infrastructures.
On est en phase de devenir, on espère, une vraie bourse, donc plutôt parallèle à Euronext, pour aller encore plus loin. Notre objectif est de devenir une bourse pan-européenne pour financer les PME.
Peux-tu nous expliquer ce qu’est la tokenisation ?
La tokenisation repose sur l'utilisation d'une blockchain, qui offre un registre décentralisé permettant de diviser et de digitaliser la propriété d’un actif. L'intégralité du processus lié à l'investissement, à l'échange, et au transfert de propriété d'actifs se retrouve donc grandement facilité. Cette méthode permet, en autre, une plus grande liquidité.
Son principal avantage réside dans la possibilité d'investir, même avec un montant minimal, et de gérer directement la détention et la revente de cet investissement. Ce qui distingue fondamentalement la tokenisation de l'investissement direct, c'est la manière dont la propriété est gérée.
Prenons l'exemple d'un ordinateur que tu me vends : traditionnellement, tu me le remets en main propre et rédige un acte de cession. C’est cet actif qui formalise le transfert de propriété. Avec la tokenisation, le processus de changement de propriété est dématérialisé. Il n'est plus nécessaire de signer un document papier entre nous. Le simple transfert d'un token de ton wallet vers le mien matérialise ce changement. Ce passage d'un token d'une partie à l'autre signifie que la propriété a été transférée.
Cette approche élimine la nécessité du papier et les frictions et retards. La tokenisation permet donc de réaliser le transfert de propriété de façon instantanée et entièrement digitalisée.
Et donc la tokenisation permet d'avoir un marché secondaire pour des titres non cotés ?
La tokenisation peut faciliter les échanges des actions des sociétés, leur permettre de passer du non-coté à une infrastructure cotée, et donc d’avoir un marché secondaire.
Comment le sujet de la tokenisation est accueilli par les entrepreneurs qui veulent se financer ?
C’est très bien perçu. Ce que les entrepreneurs recherchent avant tout, c'est la simplicité et la fiabilité dans les solutions de financement en fonds propres. Quand ces conditions sont remplies, et que l'option se révèle être à la fois moins onéreuse et plus facile d'application, les entrepreneurs sont très satisfaits.
J’ai l’impression qu’on parle de tokenisation depuis quelques années maintenant, mais qu’on le voit encore assez peu dans les faits. Où en sommes-nous ?
Nous sommes aux prémices. C’est encore compliqué réglementairement. Pour leurs activités “traditionnelles”, la majorité des fintechs peuvent s’appuyer sur des structures existantes comme les PSP ou les banques. Pour opérer dans le domaine de la tokenisation, nous sommes contraints de développer nos propres infrastructures. Cela représente des coûts significatifs dès le lancement et instaure des barrières à l'entrée bien plus élevées, ce qui engendre à la fois des dépenses considérables et des délais prolongés.
Un autre défi réside dans le fait que nous opérons sur un marché émergent. Il ne s'agit pas seulement de créer une entreprise, mais également de développer le marché lui-même, ce qui prend naturellement plus de temps. Je prévois qu'au cours des deux, trois, ou quatre prochaines années, nous assisterons à l'émergence de nombreux acteurs et à l'apparition de solutions innovantes.
Où en êtes-vous à l'heure actuelle, notamment en termes de projets financés ?
Nous sommes actuellement 17 employés et avons financé entre 25 et 30 opérations depuis 2018. Actuellement, nous mettons l'accent sur nos deux nouvelles offres qui sont particulièrement intéressantes car elles diffèrent de nos activités précédentes. Auparavant, nous ciblions principalement les entreprises ayant un besoin de financement.
Notre offre appelée Kassis s'adresse désormais à un public bien plus large, car toutes les sociétés peuvent envisager de distribuer de la valeur à leurs collaborateurs ou prestataires. Pour nous, cette offre est relativement simple à déployer : elle repose sur un modèle d'abonnement, contrairement au financement qui suit une logique de success fees.
Quant à notre service de Tokenisation-as-a-Service, il s'agit d'un produit un peu plus spécifique. Il nécessite une volonté de créer une plateforme de tokenisation. Ce qui nous distingue, c'est notre capacité à offrir une solution complète, de A à Z, de manière presque “Plug and Play”. Nous prenons en charge l'ensemble du processus pour ceux qui souhaitent développer des plateformes de financement.
J'aimerais revenir sur sur la partie financement/investissement. L'information pour des entreprises non cotées est plus difficilement accessible. Aurais-tu des bonnes pratiques pour investir ?
Lorsqu'on finance une société, on la soumet à nos due diligence. Cela implique de remplir une série de documents que nous faisons ensuite valider par un commissaire aux comptes, un cabinet d'avocats et une agence de notation. Cette étape est importante pour nous assurer que les informations fournies sont véridiques et qu'il n'y a pas de fausses déclarations, notamment en vérifiant que l'entreprise est en bonne santé juridique. Cela inclut de s'assurer que ses assemblées générales sont correctement enregistrées, que la propriété intellectuelle appartient bien à l'entreprise et non aux fondateurs, entre autres.
Il est également essentiel d'analyser le marché et les prévisions pour déterminer s'il existe des acheteurs potentiels de la société à l'avenir, afin de garantir une possible liquidité.
Il y a donc plusieurs niveaux de vérification : premièrement, s'assurer que les informations transmises sont de haute qualité - deuxièmement, que l'entreprise est conforme sur le plan juridique - et troisièmement, que les prévisions financières sont prometteuses.
J’avais un débat avec un ami l’autre jour : est-ce que les entreprises qui passent par des plateformes de crowdequity sont des entreprises qui ont des difficultés à se financer, notamment auprès d'investisseurs ?
Non, pas du tout. Notre expérience montre que ce n'est pas le cas. Par exemple, bien que ce que nous faisons n’est pas du crowdequity, nous avons Leocare, une très belle startup française dans le secteur des insurtechs, qui a opté pour le financement chez nous. Et cela malgré l'intérêt de VC.
Avec moins de VC, il y a moins de restrictions, moins de clauses à respecter, et moins de personnes au conseil d'administration. C’est plus souple pour l'entreprise. En plus, cela permet de gagner en visibilité et de mobiliser sa communauté. C'est aussi une stratégie de communication.
Le meilleur exemple qui illustre que se financer via le crowdequity alors que tout va bien est tout à fait possible, c'est Qonto et Vestiaire Collective. Ces entreprises, malgré avoir levé des dizaines, voire des centaines de millions, ont choisi le financement participatif. Non pas principalement pour lever des fonds, mais surtout pour engager leur communauté.
Pour moi, c'est une approche extrêmement pertinente, en particulier pour les sociétés en BtoC ayant une large communauté. Cela permet non seulement de lever des fonds avec une gouvernance plus simple que celle imposée par certains investisseurs, mais aussi de mobiliser et de fidéliser leur communauté.
Quel est ton parcours ? Comment en es-tu arrivé à lancer Kriptown, et à être au board de France Fintech et de l’ADAN ?
Avant de lancer Kriptown, j’étais liquidity trader chez Rothschild & Co. L'initiative de créer Kriptown découlait de l'ambition d’apporter un marché secondaire et de la liquidité au financement des PME, dans l'espoir d'attirer davantage d'investisseurs vers ce secteur. Nous pourrions alors offrir une solution alternative aux besoins de financement des PME françaises et européennes.
Concernant France Fintech, nous sommes membres depuis notre création en 2018, soit depuis 6 ans. Au fil du temps, nous nous sommes impliqués dans l'association, et j'ai fini par me présenter au bureau avec l'objectif de représenter les acteurs du financement, les acteurs des marchés de capitaux, mais aussi de mettre l'accent sur toutes les questions réglementaires qui touchent les fintechs. Kriptown ayant dès le départ évolué sur des sujets en cours de réglementation, nous interagissons régulièrement avec les régulateurs et les législateurs français et européens. L'idée était d'utiliser notre expérience pour faire entendre la voix des fintechs.
Plus récemment, depuis la rentrée de 2023, je suis membre du board et vice-président de l’ADAN. Je suis au board car je suis président du comité de tokenisation de l’ADAN, comité dont j'ai participé à la création. Ce comité vise à représenter tous les cas d’usage sur la tokenisation et ainsi participer à son essor en France et en Europe.
Vous avez des concurrents à l'heure actuelle en France ?
Oui, nous en avons, mais il n'y en a pas qui font exactement ce que nous faisons. Du moins pas directement. On pourrait dire que nous sommes indirectement en concurrence avec toute solution permettant de financer des entreprises en fonds propres.
Pour la partie Tokenisation-as-a-Service, nous sommes uniques en proposant une offre qui intègre à la fois les aspects technologiques et juridiques. Nous soutenons réellement les acteurs en les accompagnant, et bien qu'il existe d’autres offres technologiques, aucune s’occupe de l'ensemble des aspects juridiques comme nous le faisons.
En ce qui concerne l'offre Kassis, il n'y a pas non plus d'offres exactement similaires, même s’il existe des solutions qui partagent une philosophie similaire, à l'image de la start-up Futurz.
Quels sont vos enjeux à venir ?
Notre objectif est de nous établir en tant que véritable infrastructure de marché sur le marché européen, dotée d'un agrément de bourse (DLT TSS dans le cadre du DLT Pilote Régime). Il s'agit d'une étape cruciale et structurante pour nous. Nous progressons actuellement dans la cette démarche pour nous permettre de faire de la tokenisation d’instruments financiers (security token) sur notre plateforme.
Un grand merci à Mark pour cette discussion. Rendez-vous la semaine prochaine pour une édition exclusive !