Salut à tous 👋
Après avoir géré le département crypto de Revolut, mon invité du jour s’est donné pour mission de révolutionner la banque en offrant le meilleur de la monnaie fiat et de la crypto.
Et il a embarqué avec lui une sacrée team d’anciens de Revolut !
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Jean Meyer, le co-fondateur & CEO de Deblock. 6 jours après leur lancement, c’était déjà… 10 000 utilisateurs ! 🤯
Au programme de notre discussion :
L’intérêt des cryptos 🔐
L’importance des unit economics 💶
Dépendre d’un BaaS 🏦
La vision pour Deblock ⭐
⏱️ Temps de lecture : 6 minutes
Salut Jean, pourrais-tu te présenter pour commencer ?
Salut Thomas, moi c'est Jean, et je suis le co-fondateur et CEO de Deblock. Avant, j'ai essentiellement monté des entreprises. La dernière a été rachetée par Revolut, et je me suis retrouvé Product Lead de l'application Retail, qui est l'application principale, celle qu'on voit habituellement quand on est un utilisateur classique de Revolut.
Ce que je voulais, c'était travailler en crypto. J'en ai parlé à Nik, le fondateur de Revolut, qui m'a alors confié le département crypto. J'ai dirigé ce département pendant quelques mois puis je suis parti, mais pas seul. Je suis parti avec Adriana, qui était alors COO de Revolut Bank, avec Aaron, qui était le responsable de tout le paiement et tout le bancaire chez Revolut, et avec Mario, qui était responsable de l'ingénierie chez Ledger.
“C’est l’essence même du product-led growth. C’est-à-dire, commencer à travailler ton produit en pensant immédiatement à la croissance derrière. Et c’est ce que nous avons fait. Comment grandir dès le premier jour et comment construire l'application dès le premier jour pour être sûr de pouvoir aussi faire grossir le produit.”
Qu’est-ce qui t’intéresse dans les cryptos ?
Le problème des cryptos, c'est que 99% des gens qui s'intéressent à la crypto le font purement par spéculation. Au début, j'étais plutôt sceptique. En mode « la crypto, c'est juste pour les spéculateurs. C'est du casino en ligne » Mais après, tu commences à t'intéresser aux paiements. Et ceux qui comprennent vraiment les paiements saisissent l'intérêt et l'avantage de la chain et de la crypto en général.
La crypto offre trois avantages :
Le premier, c'est tout ce qui concerne les cross-borders payments. Le fait que je puisse envoyer un million de dollars de Tombouctou à Lima, au Pérou, sans aucun intermédiaire financier.
Ensuite, c’est le fait qu'aujourd'hui, 1,4 milliard de personnes dans le monde sont unbanked, donc n'ont pas accès à un compte bancaire, et qu'elles peuvent avec un téléphone ou un ordinateur portable commencer à recevoir et à envoyer des paiements.
Et enfin, le fait que tu peux avoir la garde personnelle de tes fonds, via la self-custody, autant que tu le souhaites sans que personne, aucune institution financière, aucun État, aucun gouvernement, ne puisse y toucher.
Les plus grands détenteurs de crypto dans le monde aujourd'hui sont en Inde et au Nigeria. Pourquoi ? Parce qu'il y a un gros besoin de paiements transfrontaliers. Parce qu'il y a un problème d'accès aux comptes. Et parce que les gens ne veulent pas forcément que des gouvernements, qui peuvent être corrompus, aient accès à leurs comptes bancaires. Ce sont des pays en développement. Il y a 1,5 milliard de personnes en Inde, 220 millions de personnes au Nigeria qui vont connaître une explosion démographique dans les années à venir, avec beaucoup de jeunes entre 18 et 35 ans habitués à payer en crypto, à vivre avec les cryptos.
La crypto est là pour rester. Non seulement elle est là pour rester à l'échelle mondiale, mais elle va exploser dans les 20 à 30 prochaines années parce que ces gens-là ont payé en crypto et font plus confiance aux cryptos qu'à leur monnaie locale.
Et si tu ne regardes que la France, ça a un intérêt ?
Aujourd'hui, je crois qu'une personne sur trois fait confiance à l’establishment bancaire et financier en France. La vérité est que la self-custody, sur le territoire français, a beaucoup de sens à une époque où tu vois Silvergate, SVB, Crédit Suisse s'effondrer. Le fait que tes fonds soient garantis parce qu'en ta possession, jusqu'à plusieurs milliards, cela me semble très pertinent en tant que Franco-Français sur le territoire français.
Ensuite, le fait que personne ne puisse y toucher, et qu'une partie de la population française se définit comme libertarienne, cela devrait également faire sens pour ces gens-là. Comment fonctionne une banque ? C'est une institution financière à qui tu prêtes de l'argent, et en échange elle te fournit des services financiers. Pour certaines personnes, cela ne fonctionne pas. Moi, quand je vais voir ma banque et que je demande à retirer 3 000€, et que ma banquière me demande pourquoi, je n’ai pas envie de lui répondre.
Très intéressant ! J'aimerais revenir un petit peu sur Deblock. Que faites-vous, du coup ?
C'est hyper simple. Nous sommes le premier et le seul compte courant à intégrer un vrai portefeuille crypto.
Je ne sais pas si tu utilises Revolut, mais là-bas, tu as plusieurs comptes : un compte en euros, un compte en dollars, un compte en pound... Chez nous, tu as un compte en euros, un compte en dollars, un compte en pound, mais tu as aussi une adresse Bitcoin, une Ethereum, et tu peux passer de l'un à l'autre comme tu le souhaites.
Vous venez de lancer votre solution (le 9 avril 2024). Comment tu construis et penses le produit pendant un an et demi ? Comment ça se passe ?
Tu as deux voies à suivre, que tu peux mener en parallèle.
La première est la voie de la conformité. Juste être autorisé à pouvoir se lancer sur le territoire français, ça prend du temps. On parle d'un enregistrement qui prend 6 mois, et derrière, un agrément d'établissement de monnaie électronique qui nous a pris 1 an. Et tu ne peux pas accélérer le processus, c'est vraiment très compliqué. Et ça commence dès que tu déposes ton dossier auprès de l’ACPR ou de l’AMF. Avant cela, il y a toute une préparation du dossier. Il faut embaucher les bonnes personnes, comme le responsable de la conformité par exemple.
Ensuite, tu as la voie du produit. En tant qu'établissement exposé d'une certaine manière à la crypto, il faut trouver un bon partenaire pour cantonner tes fonds. Et enfin, quand tu développes ton produit tu peux utiliser un BaaS qui va ruiner tes unit economics, ou tu peux tout reconstruire de zéro. Si on veut pouvoir tenir notre promesse de fournir un paiement et un retrait de cryptos de manière illimitée, on ne peut pas travailler avec un BaaS. Dans tous les cas, ils n’ont pas les contrôles en place pour accepter et convertir des cryptos.
Vous avez donc développé votre propre Core Banking ?
Oui, nous avons donc développé notre propre Core Banking et nos propres rails de paiement. Nous devons être une des seules fintechs à l’avoir fait dès le début. Et ça, c'est long et compliqué. Nous sommes membres directs de Visa, ce qui n'est pas le cas de beaucoup. Cela nous permet de personnaliser nos cartes comme nous le souhaitons, d'avoir des marges plus importantes sur les paiements, et aussi de pouvoir offrir du cashback à nos utilisateurs. En termes de unit economics, je pense que nous surpassons tout le monde. Mais en attendant, ça prend du temps.
Je vais te donner un autre exemple. Au début, pour toute la partie onboarding et KYC, nous nous sommes rapprochés de différents fournisseurs. Les coûts unitaires pour une session KYC validée par ces acteurs sont de 3 à 5€. C'est hors de question. Nous avons redéveloppé tout l'onboarding et tout le KYC nous-mêmes. Aujourd'hui, nos coûts d'onboarding sont à 50 centimes.
C'est très intéressant, parce que tu parles beaucoup d'unit economics. C’est un sujet souvent abordé dans cette newsletter. C'est quelque chose sur lequel, dès le day one, vous vous concentrez ?
Dès le début, nous avons commencé à regarder cela, mais pas nécessairement dans un modèle de rentabilité. Nous étions davantage sur un modèle de pure growth, dans le sens où tout part de ton coût d'acquisition client. Ce qui influence ton coût d'acquisition dans une fintech, ce sont aussi tes coûts d’onboarding. Et quand tu ajoutes 5€ à ton onboarding, cela signifie 5€ de plus dans ton coût d'acquisition. Et tu as envie d'avoir ces 5€ de plus dans ton coût d'acquisition pour pouvoir viser plus grand, plus de scale. Il y a un incitatif énorme à réduire ces 5€ à 50 centimes, parce que tu viens de gagner 4,5€ sur ton coût d'acquisition.
C’est l’essence même du product-led growth. C’est-à-dire, commencer à travailler ton produit en pensant immédiatement à la croissance derrière. Et c’est ce que nous avons fait. Comment grandir dès le premier jour et comment construire l'application dès le premier jour pour être sûr de pouvoir aussi faire grossir le produit. Nous avons atteint près de 10 000 utilisateurs en 6 jours, et nous avons dépensé 0€ en marketing jusqu'à maintenant.
C'est quoi ta vision pour Deblock ?
Une banque.
Deblock a pour objectif d'offrir les meilleurs services possibles sur la chain et les meilleurs services bancaires dans la même application, via le même service. Nous voulons créer la meilleure expérience bancaire et la meilleure expérience sur la chain, et fusionner les deux de manière presque transparente et sans friction. Et cela vaut autant pour le Retail que pour le B2B.
Notre feuille de route est très précise. Nous savons exactement ce que nous voulons faire. À terme, nous aimerions obtenir un agrément d’établissement de crédit. Cela fait clairement partie de notre ambition et de notre pitch pour notre série A. Nous nous sommes déjà rapprochés de l’ACPR pour en discuter.
Tu veux terminer par un dernier mot ?
Nous avons beaucoup travaillé sur une communauté Web3 au début, qui a pu bêta tester l'application. Elle nous a aidé à identifier des bugs que nous n'aurions pas pu voir tout seul et à les corriger. Nous avons reçu d'excellents retours jusqu'à présent. Les utilisateurs sont vraiment enthousiastes, ils aiment beaucoup l'expérience.
Il nous manque encore certaines fonctionnalités essentielles pour une application bancaire. Elles seront intégrées dans les deux prochains mois au maximum, à commencer par Google Pay, Apple Pay, et ensuite les prélèvements automatiques, tout ça. Mais ça fonctionne et je suis très content d'avoir tout développé from scratch car cela nous permet de faire beaucoup de choses, d'avoir une roadmap très détaillée.
Et puis je suppose que votre développement from scratch facilitera grandement votre évolution ?
Bien sûr. Un agent d'un BaaS, son boss, c'est le BaaS. S'il veut bouger une oreille, il doit demander l'autorisation du BaaS. Pour nous, c'est différent. Notre boss, c'est le régulateur. Le seul qui peut nous dire ce que nous devons faire, c'est le régulateur. Et cela change vraiment la dynamique et le spectre des possibles.
Un grand merci à Jean pour cet échange ! Rendez-vous la semaine prochaine pour parler d’un type de prêt très spécifique.