Salut tout le monde 👋
C’est le parcours Tech par excellence !
Mon invitée du jour est passée par Airbnb et Luko, dans l’analytics et la stratégie, avant de se lancer à son tour dans le grand bain de l’entrepreneuriat.
Pauline Glikman est la co-fondatrice & CEO de Payflows, une fintech qui permet aux CFO d’ETI de remplacer les 36 briques différentes de leur ERP par une plateforme de gestion financière unique, intuitive et complète.
Après 1 an d’existence, la fintech compte déjà de très beaux clients implantés partout en Europe, comme les licornes françaises Swile et Spendesk.
Au programme de notre échange :
Payflows 🚀
Europe-First 🇪🇺
L’IA 🤖
La parité H/F ♀️
⏱️ Temps de lecture : 6 minutes
Salut Pauline, pourrais-tu te présenter pour commencer ?
Hello Thomas, absolument. Je m'appelle Pauline et je suis la co-fondatrice de Payflows. Avant ça, j'ai toujours travaillé dans la tech, chez Airbnb puis chez Luko. Chez Airbnb, j'étais en charge de l'analytics et de la stratégie. D'abord, je me suis occupée du business de location d'appartements, puis du business d'expériences. J'ai travaillé dans quatre bureaux différents. J'ai vécu à Singapour, et j'ai passé énormément de temps à San Francisco, Londres et Paris.
L'IA nous aide aussi à changer la façon dont on interagit avec cette donnée. On est habitués à une vue dashboard dans la plupart des applications BI, mais notre conviction, c'est que l'interaction avec la donnée va devenir conversationnelle.
Comment en es-tu arrivée à monter Payflows ?
J'ai pris la décision de quitter Airbnb parce que je voulais vivre en France à ce moment-là. C'était assez clair pour moi : j'allais monter une boîte. Mais, après avoir passé presque 7 ans à l'étranger, je n'étais plus du tout accommodée à l'écosystème français, qui avait énormément évolué pendant ces années. Du coup, je me suis dit que la meilleure chose à faire était de rejoindre une boîte early stage, qui venait de boucler un tour de série A, pour apprendre. Je ne me suis pas fixé de limite, je me suis dit que j'y passerais deux ans pour voir ce qui se passerait. J’ai donc rejoint Luko. J'ai eu la chance de rencontrer mon associé dans cette entreprise. Nous avons tout de suite travaillé sur l'automatisation de la gestion des sinistres, un domaine où le sinistre est, en fait, de la donnée non structurée. Il faut prendre une décision, rembourser ou non, en fonction de certains paramètres, puis exécuter un paiement, avec un certain nombre d'éléments de réconciliation pour que ces paiements soient cohérents. Avec mon associé et l'équipe très early, nous avons énormément travaillé sur ce problème.
Quand nous avons décidé de monter une boîte, trois points étaient fondamentaux. Le premier était le client : nous voulions que ce soit quelqu'un avec qui on apprécie échanger et apprendre. Nous sommes tous les deux assez analytiques et orientés business, donc le CFO était pour nous le choix le plus naturel. Le deuxième élément était notre désir de nous orienter vers du B2B. Personnellement, je viens du B2C, mais je comprends mieux les business B2B, que je trouve un peu plus prédictifs. Le troisième point était que, de notre point de vue, toute la stack pour les PME avait beaucoup évolué au cours des dix dernières années, avec l'émergence de produits comme Spendesk ou Qonto en France, et leurs équivalents étrangers. Mais la stack pour les entreprises de plus de 500 salariés ressemblait significativement à ce qui existait il y a 10 ou 20 ans. Pour nous, c'était un domaine d'intérêt, nous voulions comprendre pourquoi. Cela s'explique beaucoup par la complexité des problèmes, moins accessible de prime abord. Du coup, cela nous a semblé être un problème suffisamment compliqué, riche et profond pour y consacrer notre temps.
Finalement, vous êtes partis du business model plus que de l’idée et de la problématique ?
C’est ça. Nous sommes partis du business model et de l'acheteur, cet acheteur avec qui nous savions que nous développerions une empathie infinie. Étant tous les deux très curieux, une fois cette empathie établie dans un marché énorme, où les problèmes abondent, il y avait peu de doute pour nous qu'il y avait une grande entreprise à construire avec ces deux paramètres. Nous trouverions, au fur et à mesure, de quelle entreprise il s'agit.
Nous avons commencé par nous attaquer au problème de la trésorerie, ce qui nous a amenés à nous élargir, à ne plus être juste un outil de gestion de trésorerie, mais plutôt une surcouche aux ERP existants. Cette surcouche fournit des modules, des briques, qui, ensemble, forment une plateforme simplifiant pour ces entreprises la gestion et le contrôle de l'entièreté de leur processus financier au sens large. Cela inclut les achats, la gestion de trésorerie et, en fait, toutes les équipes qui se retrouvent sous le CFO.
On s’adresse à des entreprises qui ont généralement plus de 500 salariés, parfois un peu avant pour celles en forte croissance.
Peux-tu nous en dire plus sur Payflows du coup ?
Le constat est simple : quand tu es une boîte d'une certaine taille, tu dois avoir un système comptable qui te permet d'opérer dans plusieurs pays avec plusieurs entités. Des systèmes comptables capables de faire ça, il y en a moins d'une dizaine dans le monde. Parmi eux, il y a NetSuite, SAP, Sage dans une moindre mesure. Le problème, c'est qu'à partir du moment où tu adoptes ces systèmes, beaucoup de problèmes émergent. Par exemple, comment est-ce que je connecte mes différentes briques de contrôle à ces systèmes ? Ou alors, est-ce que j'achète les modules offerts par ces systèmes pour organiser ma gestion d'achat, ma gestion de trésorerie, mon recouvrement client ?
À ce moment-là, tu te retrouves face à un choix délicat : soit tu subis une expérience utilisateur vraiment pas terrible, soit tu optes pour des produits spécialisés, peut-être un peu mieux sur ce plan, mais tu vas devoir gérer la connectivité entre ces systèmes verticaux et ton ERP un par un. Et ce n'est pas une décision facile. Dans la grande majorité des cas, le système que tu ne peux pas remplacer, c'est ton système comptable. Tu aimerais n'avoir à la gérer qu'une seule fois la connectivité avec ce système.
Avec Payflows, tu peux t'appuyer sur le même système parce qu'il aura déjà intégré l'intégralité de ta connectivité, que ce soit bancaire ou vis-à-vis du système comptable.
Il y a une notion d'input dans votre solution, d’intégration directe de la donnée ?
Il y a une énorme notion d'input. Je vais te donner deux exemples. Notre module de gestion des achats permet aux équipes achats, ou procurement, peu importe comment tu les appelles, de mettre à disposition des collaborateurs de l’entreprise un outil qui offre un point d'entrée unique pour toute demande d'achat. Cet outil les route intelligemment vers la bonne chaîne d'approbateurs, intègre tout le monde qui doit l'être dans la boucle, et assure une transparence et une visibilité totale.
Notre outil de gestion de trésorerie permet de mettre à disposition la donnée bancaire, mais aussi d'intégrer les workflows de paiement, que ce soit via des fichiers de paiement ou des demandes de paiement, directement depuis la plateforme, encore une fois sans que le collaborateur ait besoin d'aller ailleurs. Cela permet également de consulter la donnée et d'adopter une bien meilleure approche de gestion dans le cadre du paiement. Tu as besoin de pouvoir visualiser tes positions bancaires, de pouvoir visualiser l'impact de tes décisions ou de tes paiements en cours sur ta balance.
Payflows, contrairement à la plupart des outils verticaux, te permet d'avoir cette visibilité de bout en bout car il gère le flux de demandes. Tu obtiens une vraie réconciliation qui facilite le self-service des collaborateurs et permet d'automatiser un certain nombre de tâches complètement frictionnelles pour les personnes dans l'organisation.
C'est vrai qu'il y a une tendance à la verticalisation dans les fintechs, à se nicher profondément dans un sujet. Vous avez plutôt opté pour une horizontalisation, sur une cible précise tout de même que sont les ETI ?
Absolument. En réalité, nous ne cherchons pas à réinventer la roue. C'était, à l'origine, la mission fondamentale de l'ERP : intégrer la comptabilité tout en proposant des modules supplémentaires pour automatiser certaines opérations comptables et faciliter l'accès aux collaborateurs.
Le défi réside dans le fait que l'ERP n'a pas su évoluer avec son temps. Cela a mené à l'apparition de players verticaux, mais nous croyons fermement que les CFO reviennent à une approche plus intégrée. La gestion de multiples outils, chacun nécessitant son propre intégrateur et la maintenance de plusieurs connectivités, s'est avérée non seulement problématique mais également plus coûteuse et moins agile qu'anticipé.
Vous avez commencé par adresser directement le marché européen il me semble ?
Oui, notre stratégie a d'abord été de nous concentrer sur l'Europe. Étant basés en France, notre réseau y est plus développé, ce qui nous a donné un avantage initial. Mais, dès nos six premiers mois, nous avons réussi à signer nos premiers clients européens et nous poursuivons notre expansion avec une approche Europe First. Et puis les États-Unis sont clairement dans nos pensées, et nous envisageons de nous y développer probablement avant la fin de l'année.
Pourquoi l'Europe en premier, et pas se concentrer d’abord sur la France ?
L'idée était vraiment d'avoir une mission plus large dès le départ, de s'accorder un mandat plus étendu. Cela implique aussi de penser aux problèmes d'une manière différente. Pour nous, la grande majorité de nos clients ont des filiales à l'étranger. Donc, en réalité, considérer le problème uniquement sous l'angle franco-français n'est pas une option viable. Nous avons déjà des clients qui ont des filiales au-delà des frontières européennes, avec des filiales américaines, brésiliennes… C'est donc déjà une réalité pour nous.
Il y a une grande tendance dans la tech et dans les fintechs, c'est l'IA. Comment l’utilisez-vous, et qu’est-ce que ça va apporter ?
Si tu regardes notre équipe, on a un fort bagage. Mon associé était chercheur au ministère des Armées dans un labo d'IA. On a pas mal d'anciens chercheurs et de doctorants en IA dans l'équipe. Donc, pour reprendre la phrase d'un ancien président, l'IA, on y pense et pas qu'en se rasant.
Concrètement, il y a plein de choses. On travaille sur la facilitation de la donnée, sur la correction des erreurs que l'utilisateur pourrait faire, sur la déduplication des fournisseurs similaires dans les achats, sur la correction des erreurs dans le processus d'achat. Et puis, il y a d'autres applications. On collecte et on processe énormément de données générées dans Payflows, qui sont ensuite potentiellement envoyées dans l'ERP. L'IA nous aide aussi à changer la façon dont on interagit avec cette donnée. On est habitués à une vue dashboard dans la plupart des applications BI, mais notre conviction, c'est que l'interaction avec la donnée va devenir conversationnelle. Pouvoir demander à l'outil, si je fais cette dépense, quel sera l'impact sur mon budget, et obtenir une réponse immédiate, nous semble bien plus utile.
Un peu comme une différence entre Google et ChatGPT, où tu vas poser une question à Google et que tu vas devoir aller chercher par toi-même la réponse, alors que ChatGPT te la donne directement.
Exactement. Cela s'applique réellement à la majorité des processus financiers, où jusqu'à présent, l'interaction consistait essentiellement à suivre des workflows et à réaliser une série d'actions requises par l'utilisateur. L'idée est maintenant de passer à une logique de suggestion là où cela est pertinent. Il existe des situations où l'approbation humaine est indispensable, notamment pour garantir la solidité et la robustesse de tes processus financiers. Dans ces cas, la création d'un audit trail et la prise de décision par des êtres humains sont nécessaires. Mais il est possible de leur faire gagner un temps considérable en optimisant ces processus.
J'aimerais parler de la parité homme-femme dans les fintechs. Un article de Maddyness sur le sujet est sorti en 2022 et disait que seulement 3 % de femmes étaient à la tête de fintechs et assurtechs en amorçage. Qu'est-ce que tu en penses ?
Ce qui me tient vraiment à cœur, c'est l'avenir de mes deux petites nièces, âgées de 18 mois et 5 ans. J'aimerais qu'elles puissent, lorsqu'elles atteindront mon âge, observer leur environnement et considérer que l'égalité des genres n'est plus un sujet de discussion. C'est une motivation profonde pour moi. J'ai la chance d'avoir un associé, un homme, qui a deux petites filles et qui partage exactement cette vision. Nous sommes donc unis sur cette question.
Il existe de nombreux défis à relever dans ce domaine. Le monde de l'investissement, notamment, est marqué par des biais qui font que, souvent, lorsqu'on se trouve autour d'une table avec des investisseurs, ce sont majoritairement des hommes qui tiennent les carnets de chèques. Même si la situation commence à évoluer, le changement est lent et prendra du temps. Un stéréotype persiste, selon lequel un entrepreneur doit être agressif et dominant, une conception très masculine. Mais on peut être tout aussi déterminé et compétent sans avoir à adopter une posture agressive. Je pense que beaucoup de décisions d'investissement sont prises sur cette base.
Mais en observant nos investisseurs et le pari qu'ils ont fait sur nous, je reste très optimiste. J'espère que nous réussirons à construire une entreprise remarquable qui inspirera de nombreuses jeunes femmes à suivre le même chemin.
Pour terminer, quels sont vos enjeux sur 2024 et les années qui arrivent ?
Notre vision est de créer une surcouche pour l'ERP, qui va permettre de simplifier et d'automatiser la fonction comptable, en l'alimentant directement via Payflows pour minimiser les erreurs. L'objectif est de fiabiliser et de diminuer de manière significative le coût de production des données financières au sein de l'entreprise.
En 2024, nous abordons une étape cruciale. C'est l'année où nous lançons véritablement notre offre sur le marché. Notre stratégie go-to-market est en pleine élaboration, se précise et commence à être déployée. Cette année sera marquée par une forte phase d'itération. Jusqu'à présent, nous avons été assez discrets en termes de communication. 2024 marquera le véritable démarrage de notre présence sur le marché, avec la création de notre marque, le développement de notre stratégie de génération de leads et la mise en place de notre force de vente. Le recrutement sera également une de nos priorités, avec la recherche de profils expérimentés pour renforcer nos équipes finance et marketing, notamment en product marketing, qui sont essentielles. Nous sommes également à la recherche de développeurs d'exception. Les entretiens se déroulent quotidiennement. Nous sommes très exigeants dans notre sélection, mais pour les jeunes talents désireux d'apprendre au sein d'une équipe solide et hautement technique, il y a une opportunité en or !
Un grand merci à Pauline, et rendez-vous la semaine prochaine. Je reçois le CEO d’une des fintechs les plus en vue du moment ! 👀