🎙️💸 Crowdfunding : la force d'une communauté
Avec Mathilde Iclanzan, Directrice Générale de WiSEED.
Salut tout le monde 👋
Qui n’a jamais entendu parler de crowdfunding par ici ?
Bien que très récent, le financement participatif connaît un essor spectaculaire. En 2022, 2 355 millions d’euros ont été collectés sur les plateformes en France, soit une hausse de 25% par rapport à 2021. C’est x14 par rapport à 2015 ! 🤯
Et ça se comprend ! D’un côté, le crowdfunding permet aux épargnants d’investir dans des projets qui ont du sens. D’un autre côté, il permet aux entreprises de se financer sans passer par les chemins classiques.
Pour parler de ce sujet, j’ai eu le plaisir de recevoir Mathilde Iclanzan, Directrice Générale de WiSEED, pionnier du crowdfunding en France ! 🇫🇷
La plateforme a connu une année 2022 record, ce qui lui a permit de franchir le cap des 400 millions d’euros récoltés depuis sa création.
(vous noterez le petit changement dans l’identité visuelle 👀)
Au programme de notre discussion :
Les avantages du crowdfunding 💶
Les critères de la plateforme 📊
La finance décentralisée ⛓️
⏱️ Temps de lecture : 6 minutes
J’en profite également pour vous dire que je me lance sur Twitter pour parler actualité financière et fintechs. Vous pouvez m’envoyer de la force en me suivant ! 😄
Bonjour Mathilde, peux-tu commencer par nous présenter WiSEED ?
Enchanté Thomas, moi c'est Mathilde Iclanzan et je suis la Directrice Générale de Wiseed. Nous sommes une plateforme de financement participatif qui existe depuis 15 ans et nous proposons une grande variété de projets d'investissement. Nous investissons dans des start-up axées sur l'innovation, la transition énergétique et la santé, ainsi que dans l'immobilier en finançant des projets de promoteurs immobiliers et de marchands de biens.
Au cours de ces 15 années, nous avons réussi à construire une communauté assez importante, qui est même, je pense, la plus grande communauté de particuliers investisseurs en France. En termes de financement participatif, nous comptons plus de 200 000 membres inscrits et 30 000 investisseurs qui investissent au moins une fois par an dans nos projets. Le montant minimum d'investissement est de 100 euros, avec une moyenne d'environ 1 000 euros par investissement et par investisseur.
Notre deuxième force réside dans notre technologie. Nous avons développé une technologie sur mesure qui répond aux besoins des dirigeants d'entreprise pour le financement de leurs entreprises, que ce soit en actions ou en dette. Nous avons également mis en place un processus de souscription et d'investissement fortement digitalisé, offrant une expérience utilisateur parmi les meilleures du marché. Le tout en respectant une réglementation très stricte, car nous sommes des prestataires de services d'investissement. Bientôt, nous serons également des prestataires de services de financement participatif à l'échelle européenne.
Ça fait donc 15 ans que vous existez, et le crowdfunding est quelque chose d’assez récent en France. Vous êtes donc un des pionniers de cet écosystème en France ?
Oui, nous sommes les pionniers en France. Je n'étais pas encore chez WiSEED, mais les deux fondateurs, Nicolas Sérès et Thierry Merquiol, ont eu l'idée pendant la crise de 2007-2008, la crise du financement bancaire, de créer une plateforme de financement participatif à l'image de ce qui existait dans les pays anglo-saxons.
L'objectif était d'aider les citoyens français à investir, à placer leur épargne dans des projets à la fois socialement utiles et financièrement rentables. Nous avons des critères de sélection très rigoureux qui nous permettent d'obtenir des rendements importants. L'idée est donc de proposer des rendements à fort potentiel à des investisseurs particuliers qui n'avaient pas accès à de tels placements auparavant.
La blockchain introduit une nouvelle façon de financer les actifs immobiliers.
Que faisais-tu avant d’arriver chez WiSEED et quel était ton regard sur ce nouvel écosystème qui était en train d’arriver en France ?
J’ai un parcours de plus de 20 ans dans la finance. J'ai commencé en tant qu'auditrice financière dans des Big Four, puis j'ai occupé le poste de directrice financière dans des groupes de différentes tailles, que ce soit des PME ou des grands groupes internationaux. J'ai rejoint WiSEED en 2019, au début aux côtés de Nicolas Sérès, et depuis 2 ans maintenant en tant que Directrice Générale.
Lorsque je suis arrivée, j'ai examiné notre force technologique, l'expertise de nos équipes et surtout notre compétence en conformité, et j'ai réalisé que c'était un métier fortement réglementé. Il était donc nécessaire d'avoir également une appétence pour le contrôle interne et les contraintes réglementaires. Tout cela réuni fait que WiSEED est aujourd'hui prêt à écrire une nouvelle page dans le domaine du financement participatif et de l'equity crowdfunding.
Nous nous tournons également vers les technologies blockchain et la finance décentralisée. C'est un ensemble de pièces de puzzle qui se sont rassemblées peu à peu et qui, grâce à cette expérience acquise, cette technologie, et cette expertise en conformité, nous permettront d'accélérer encore plus rapidement.
Quels sont les avantages pour un épargnant d’investir à travers du crowdfunding ?
L'idée principale est de trouver des projets qui ont du sens. Aujourd'hui, vous avez de nombreuses options d'épargne, que ce soit auprès des banques traditionnelles ou des fonds réglementés. Mais vous ne savez pas toujours où va réellement votre argent. La force de la digitalisation et d’internet est de vous offrir un accès 24h/24 et 7j/7 à des produits d'épargne qui vous parlent. Ce sont ce que nous appelons des actifs réels et tangibles, des investissements concrets que vous pouvez toucher du doigt, comme détenir des parts dans une entreprise. Aujourd'hui, cela reste un actif réel. Vous vous embarquez dans une aventure entrepreneuriale, vous participez à un projet immobilier, vous contribuez à la construction des villes de demain, à leur développement. Pour moi, ce sont des projets qui ont du sens.
Nous réconcilions la forte propension à l'épargne que nous avons en France et en Europe. Le crowdfunding tel qu'il existe aujourd'hui permet aux investisseurs particuliers d'investir et de placer leur épargne dans des choses qui ont du sens. Au-delà de cela, il y a également la rentabilité financière. En tant qu'experts et tiers de confiance, nous sélectionnons des projets en veillant à instaurer un sentiment de confiance. Nous avons mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour vous assurer que lorsque vous investissez votre argent, l'entreprise offre à la fois une perspective sociale et financière.
Et quel est l’intérêt pour une entreprise de se financer à travers du crowdfunding ?
La première chose essentielle est l'accompagnement. Nous avons une véritable vision entrepreneuriale des choses. Contrairement à ce que vous pourriez rencontrer chez un banquier ou d'autres types d'investisseurs, nous sommes avant tout des entrepreneurs au service des entrepreneurs. C'est une valeur fondamentale pour nous, être en mesure d'embarquer dans votre histoire lorsque vous recherchez des financements auprès des épargnants. Cela va donner une nouvelle direction à votre entreprise, et c'est ce qui nous motive au quotidien.
La deuxième chose importante est de faire connaître vos produits et services. C'est la force d'une communauté qui se forme autour de vous lorsque vous sollicitez des financements en crowdfunding. Cette communauté vous accompagnera et brisera la solitude du dirigeant. Fonder une entreprise aujourd'hui, même avec une équipe, implique de faire face à des moments de solitude. Avoir des actionnaires engagés qui vivent à vos côtés lors de cette aventure entrepreneuriale permet de lutter contre cette solitude et de faire partie d'un écosystème qui vous accompagne dans la création de votre société.
En ce qui concerne les promoteurs immobiliers ou les marchands de biens immobiliers, le crowdfunding vous permet de financer vos fonds propres. Vous savez que les banques exigent des fonds propres pour la plupart des projets qu'elles financent. En tant que promoteur ou marchand de biens, nous apportons les fonds propres nécessaires, vous évitant ainsi d'avoir à vous associer avec d'autres promoteurs et de partager les marges.
À l'heure actuelle, le crowdfunding est peut-être encore vu par les entrepreneurs comme un financement alternatif. Une seconde option si une banque ou un VC ne suit pas l’entreprise. Qu’en penses-tu ?
Oui, tu as raison ! Dans le domaine de l'immobilier, nous proposons un financement complémentaire alternatif, mais nous ne sommes pas en concurrence avec les banques. En réalité, sur un projet immobilier, les banques sont déjà présentes car il y a des garanties.
Il en va de même pour les investissements en actions. Lorsqu'un entrepreneur vient nous voir, c'est principalement pour renforcer ses fonds propres. Et que va-t-il faire avec ces fonds propres ? Ils lui permettront de créer un effet de levier. En conséquence, vous pourrez compter sur des partenaires bancaires, des VC ou des institutionnels qui vous accompagneront. Mais ils le feront parce qu'il y a des personnes qui ont cru en votre projet et qui ont investi en actions en apportant des fonds propres.
Tu disais que vous êtes sélectif quant à la qualité des investissements que vous proposez. Quels sont vos critères ?
Tout d'abord, il y a la sélectivité que nous appliquons lors de la sélection des projets. Il est important de noter que nous recevons plus de 1 000 dossiers par an. Nous avons des comités de sélection et des comités d'engagement qui se réunissent les mardis et les vendredis. Chez nous, ces journées sont entièrement dédiées à la sélection préliminaire des projets. Nous effectuons toutes sortes de diligences. Pour les projets immobiliers, nous suivons des processus d'audit avec des points de contrôle clés. Nous finançons environ 20 à 30 sociétés en actions. Cela montre notre rigueur de sélection. Pour les projets immobiliers, nous recevons environ 130 à 140 dossiers par an.
Dans la politique d'investissement de WiSEED, nous ne nous basons pas uniquement sur un simple pitch deck, mais plutôt sur l'équipe, le projet, la capacité de résilience, la capacité de pivot, et la capacité de structurer une équipe autour du projet. En ce qui concerne l'immobilier, nous analysons les ratios financiers de l'opération, la structure juridique, les garanties réelles que nous pouvons prendre, les taux et les prix de vente pour la commercialisation des projets immobiliers. Nos procédures sont très strictes et nous effectuons une présélection en amont, d'abord en collaboration avec nos développeurs sur le terrain, puis lors d'un comité d'engagement.
Vous avez un taux de défaut ?
Oui, nous avons des taux de défaut. Ou plutôt des taux de retard. Ces retards sont surtout présents dans le secteur immobilier, car il s'agit d'un domaine où les délais ne sont pas toujours prévisibles. Lorsqu'un promoteur nous présente un projet, nous estimons la durée de construction, de commercialisation et d'écoulement complet des appartements, des maisons, des terrains. Il peut arriver que, structurellement et en dehors des périodes de crise, le projet soit retardé pour diverses raisons. Mais même en cas de retard, nous continuons à rémunérer les investisseurs, donc il n'y a pas de panique. Nous suivons nos projets de près et effectuons des visites tous les trois mois.
Si nous détectons des difficultés dans un projet, nous accompagnons le promoteur ou l'opérateur. Nous disposons d'experts et avons mis en place des équipes spécialisées depuis 2021 pour cela. Nous faisons tout notre possible pour que les projets se concrétisent.
Actuellement, nous avons très peu de défauts, mais il est probable que l'ensemble de la profession, et cela ne concerne pas uniquement WiSEED, atteigne, tôt ou tard, des taux de défaut d'environ 1%. C'est pourquoi nous encourageons la diversification auprès des investisseurs. Nous considérons qu'un investisseur averti devrait diversifier ses investissements.
C'est super intéressant ! Vous financez beaucoup de projets dans la transition énergétique. Quels sont vos critères pour définir si une entreprise s’inscrit dans ce cadre ?
En 2021, nous sommes devenus entreprise à mission, mais derrière cela, nous avons travaillé avec une société spécialisée dans l'évaluation des critères extra-financiers des entreprises. Nous avons organisé de nombreux groupes de travail en interne et avons travaillé en collaboration pour faire émerger des critères ESG.
Nous avons donc créé des listes que nous faisons remplir aux porteurs de projet, que ce soit pour l'immobilier, les PME, les startups, les biotechs. Nous avons vraiment une approche personnalisée. Nous évaluons ces scores individuellement et les affichons sur chaque fiche projet, de sorte que les investisseurs soient informés. L'idée n'est pas de pénaliser les projets en augmentant les coûts ou les taux de rendement. L'idée est d'avoir une vision actuelle de l'état d'avancement du porteur de projet, et de pouvoir évaluer avec lui son évolution dans le temps et ses axes d'amélioration, qu'il mettra en avant lors des rapports trimestriels.
Il est important de noter que nos politiques d'investissement sont redéfinies chaque année. Nous sommes par exemple très vigilants dans nos projets immobiliers, notamment en ce qui concerne l'artificialisation des sols et la prise en compte de l'environnement, en veillant à ce que les opérateurs respectent les normes. C'est un prérequis. Ce sont des critères que nous évaluons et qui sont très importants aujourd'hui.
Vous refusez beaucoup de dossiers à cause de ces critères ? Ou globalement, ça va dans le bon sens ?
Les choses vont dans le bon sens, mais cela est dû en grande partie à l'évolution de la réglementation. Ces derniers mois, il y a eu quelques soubresauts dans le secteur immobilier, notamment en raison des changements de normes, mais c’était absolument nécessaire.
Nous finançons de nombreuses entreprises engagées dans la transition énergétique avec une véritable innovation. C'est quelque chose qui nous tient à cœur. Nous nous concentrons davantage sur l'expertise et l'innovation réelle, plutôt que sur des présentations alléchantes qui ne fournissent pas de véritable innovation. En ce qui concerne l'immobilier, contrairement aux idées reçues, les opérateurs sont réellement sensibilisés à ces enjeux. Ce n'est pas un argument de vente, c'est une réalité.
Quels sont vos enjeux à venir sur les prochaines années ?
Aujourd'hui, nous continuons d'explorer le crowdfunding avec les leviers que nous connaissons. Nous constatons une augmentation du nombre de professionnels du secteur, tels que les CGP, qui nous contactent pour répondre aux demandes de leurs propres clients qui recherchent davantage de rentabilité et de sens dans leurs investissements. Nous activons tous ces leviers pour développer et faire connaître encore plus le crowdfunding.
Le deuxième point concerne la technologie. En tant que prestataire de services d'investissement, nous allons chercher l’adhésion au régime pilote européen, qui est un laboratoire permettant d'expérimenter sur la tokenisation et les marchés secondaires. C'est un enjeu majeur pour WiSEED dans les prochains mois : offrir une offre régulée, légale - j'insiste sur le terme "légale" - en ce qui concerne la tokenisation et la blockchain.
À quoi ça ressemblerait, WiSEED avec de la blockchain ?
C’est une nouvelle façon de financer les actifs immobiliers. Demain vous détiendrez une part d'un actif immobilier et nous aurons un registre de titres qui génèreront un revenu, un revenu locatif par exemple. Tout cela sera géré à l'aide de Smart Contracts que nous sommes en train de développer.
Ensuite, la majorité de nos actifs sont non cotés, que ce soit les actions ou les obligations. L'idée avec la blockchain est de fournir de la liquidité, car le principal inconvénient du crowdequity tel que nous le proposons aujourd'hui est le manque de liquidité. En offrant un marché secondaire sur la blockchain, nous permettons de débloquer cette liquidité, ce qui signifie que vous pourrez récupérer vos fonds en revendant votre participation, que ce soit une obligation ou une action.
Et puis, le dernier défi, mais qui prendra un peu plus de temps, sera de permettre à tous ceux qui possèdent des cryptoactifs d'investir dans nos actifs réels, et de réconcilier les cryptomonnaies avec des actifs tangibles de l'économie réelle.
Un grand merci à Mathilde pour son temps ! Rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle interview. 🎙️